ballade en altitude

en passant par le Tibet "non officiel", Chine part 8 (Qinghai, Gansu, Sichuan) Golmud → Wenchuan 06/08→ 15/08/2010

Passe Xining, je quittais les secteurs vides de l'ouest de la Chine pour penetrer la partie plus peuplee du pays. Pas encore pour y rencontrer la foule massee a l'est du pays car les reliefs etaient encore bien marques et l'altitude importante mais il n'etait plus question de desert et de zones arides a present. Les distances entre les villages et meme les villes se reduisaient d'avantage egalement. L'arrivee a Chengdu devait marquer definitivement mon entree sur les terres historiques chinoises car que ce soit au Xinjiang, appele Turkestan par le passe, ou au Qinghai, anciennement aire des tibetains et des mongols, les Hans ou les vrais chinois si vous preferez, occupaient les villes principalement tels des colons.

Sur ma route entre Xining et Chengdu enfin, j'allais traverser 3 provinces: le nord-est du Qinghai, le sud du Gansu et le nord ouest du Sichuan, secteurs qui se situaient toujours sur le massif tibetain bien qu'en dehors de la province autonome du Tibet. Au moins j'avais l'occasion d'en decouvrir une petite partie sans me farcir les restrictions administratives de cette derniere. Pour commencer j'avais choisi de bypasser le corridor Xinig-Langhzou, hyper-peuple, industriel et au trafic routier intense, en coupant a travers un secteur montagneux via une petite route provinciale. Ce n'etais pas vraiment un choix judicieux considerant l'etat de mon genou car il y avait de nombreux cols a franchir avec des pentes fort raides mais j'avais pris la resolution de descendre du velo pour marcher en le poussant des que je devais trop forcer. De cette maniere, et en appliquant l'anti inflammatoire 2 fois par jour, mon avait fini par désenfler au bout d'une semaine. En tout cas je ne regrettais pas mon choix car les paysages valaient le detour par ici: des zones forestieres, des paturages de haute montagne, des lacs d'altitude, une longue gorge et partout des vallees amenagees pour la culture en terrasses. Ces dernieres etaient tres esthétiques mais il devenait tres complique de trouver un endroit pour placer la tentele soir dans les rizieres innondees. Je parcourais parfois des secteurs agricoles particulierement peuples, soit par les chinois musulmans, les Huis, ou les tibetains bouddhistes, a chaque fois dans des villages bien distincts. C'etait assez curieux de croiser des chinois barbus et des chinoises voilees. Les mosquees etaient egalement originales avec des decorations et des toitures semblables aux pagodes bouddhistes.

Les villages tibetains etaient quant a eux plus eloignes de la route mais reconnaissables avec leurs grandes steles blanches et souvent des monasteres perches sur les hauteurs. Egalement, a chaque col la culture tibetaine se manifestait par la presence massive de fanions multicolores un peu partout de maniere anarchique qui convergeaient vers un grand arbre ou un totem et du sol jonche de petits papiers imprimes disséminés a dessein. Came donnait l'impression de passer sur l'ancien site d'une fete foraine ! En traversant des zones peuplees j'allais desormais susciter d'avantage d'agitation a mon passage. C'est que dans les campagnes chinoises on aime bien rigoler: quand ils n'etaient pas meduses de voir un occidental passer par chez eux, vous pouviez etre sur que quelqu'un allait vous lancer un Hello qui provoquait a coup sur l'hilarite generale. En fait dans les zones rurales personne ne parle anglais et ils ne savent dire que Hello ou plutot quelquechose comme «Ralooo». Quelque soit la reponse, en anglais, en francais, en arabe, en russe ou chinois ils etaient plies de rire. Meme sans reponse d'ailleurs, un peu comme chez nous avec les momes qui s'amusent en imitant la maniere de parler des chinois, ils etaient deja petes de rire par leurs imitations. C'etait sans doute a mourir de rire mais je me prennais un bon millier de «Ralooo, hu , hu, hu !» par jour (des fois avec une voix de travelo ou de golio pour les plus comiques …) et ca commencait a me lasser a la longue. Heureusement depuis Xining je pedalais avec un lecteur MP3 sur les oreilles. En fait il m'etait impossible de m'habituer a la frenesie du klaxon ambiante, pire ca me rendait paticulierement agressif. Souvent il me prenait des envies de tortures genre amputer les bras d'un routier avec un coupe ongle ou perforer les tympans d'un chauffeur de bus avec un vieux clou rouille … mais plutot que de passer a l'acte j'avais prefere acheter un lecteur MP3 et ecouter l'enorme quantite de musique que je trimblallais depuis des lustres sur une cle USB. Desormais les ploucs appercevaient un grand couillon sur son velo qui braillait des trucs genre «I wanna snif some Glue» des Ramones ou le «Roi des glands» de Billy ze kick ! Avec ca et les bouchons d'oreille en mousse que j'avais retrouve dans mon sac, j'avais d'avantage de serenite pour evoluer dans l'enfer sonore des routes chinoises (meme dans un bled completement paume sans trafic routier et sur une route large comme les Champs Elysees, un villageois a moto klaxonne au minimum pendant 20 secondes avant de doubler !).

Sur le plan mecanique, l'etat de grace du premier mois etait bel et bien termine: 3 nouvelles crevaisons (toujours de la roue arriere) rien que la premiere semaine et le cable du frein avant qui petait au 2eme lacet d'une interminable descente d'un col ! Bref,je commencais a bricoler regulierement pour maintenir en etat mon vieu clou. Mais en Chine, la bricole n'etait pas une mince affaire tellement les merdes en toc etaient rependues: Si l'outils est de bonne facture et pas la piece a demonter, je detruis celle-ci en un rien de temps et inversement si c'est l'outils qui est merdique … Par chance les principaux equipements de mon velo n'etaient pas de trop mauvaise qualite, par contre question boulonnerie, il m'a fallu remplacer ou sceller pas mal de trucs ! Autre detail: le vent. Quand je me dirigeais vers Xining, vers le nord-est, le vent soufflait violemment du nord-est mais desormais que je suivais la direction du sud et bien le vent soufflait immanquablement … du sud ! Meme s'il soufflait moins méchamment qu'auparavant grace a la vegetation entre autres, j'avais tout de meme l'impression d'etre maudit. Lors de mon dernier jour au Qinghai, tandis que je grimpais un col particulierement ardu, je fus convie a une sorte de pic-nic organise par une grande famille tibetaine dans un des lacets de la route. Un des membres de la famille avait vecu a Londres et parlait parfaitement anglais, ce qui me facilita grandement la tache pour discuter avec tout ce petit monde. En tout cas c'etait la 2eme fois que des tibetains m'offraient a bouffer (avec celle du jour precedent mon arrive a Golmud). Je ne sais pas si je peux me permettre d'en deduire que les tibetains sont des gens hospitaliers en general, mais en tout cas ce genre d'invitations etant ultra rare en Chine, il convenait de le signaler. Apres avoir englouti plusieurs bols de soupe, de riz et meme de mouton, je repartais avec le velo alourdi de quelques provisions de pain-vapeur, de graines de tournesol, de lait de yack et de quelques canettes de bieres ! Au moins j'avais tout le temps pour digerer en poussant mon velo a pieds !


En basculant dans le Gansu, je rejoignais la route nationale 213, cet axe allait devenir mon fil conducteur jusqu'au Laos pres de 3000km plus loin. Au sud du Gansu, progresser sur la 213 etait neanmoins plutot agreable. Meme si je retrouvais un trafic routier plus consequent, quoique moins dense qu'avant Xining, le charme des paysage compensait largement. Je progressais tout d'abord dans une vallee boisee qui se transformait a mesure en gorge avant d'evoluer pour de bon dans les alpages de haute montagne. Je passais de vallees en vallees en franchissant a chaque fois des cols rarement difficiles car les denivelles n'etaient jamais trop importants et les pentes etaient progressives. Je n'avais plus besoin de descendre pousser mon velo a present et mon genou pouvait poursuivre tranquillement sa convalescence malgre les reliefs. Pendant pres d'une semaine, je n'allais pour ainsi dire jamais descendre sous les 3000m d'altitude a deambuler dans les immenses paturages sur plusieurs centaines de km. La region n'etait que tres moderement peuplee, avec quelques petits villages de temps en temps, j'avais neanmoins l'opportunite de tomber sur une petite ville tout les 2 ou 3 jours pour me ravitailller regulierement. A l'exception de ces villes, les uniques habitants des environs etaient tibetains et ces derniers n'exercaient presque exclusivement que comme eleveurs. Et leurs troupeaux me depaysaient quelque peu puisqu'ils ne possedaient que soit des yacks massifs et hirsutes ou des especes de moutons a longues cornes en tire bouchon. J'apprecais beaucoup moins leurs feroces gardiens, les enormes chiens Mastiffs dont la principale preoccupation etait de me prendre en chasse ! Heureusement ils n'etaient pas assez rapides pour me croquer les mollets, a moins que ce soit moi qui trouvais toujours les ressources physiques pour les distancer !

Quelque fois j'avais la sensation d'etre un coureur du Tour de France: des villageois attroupes au bord de la route qui faisaient coucou (et des «Ralooo, hu,hu,hu» bien entendu), des motards qui me collaient plusieurs minutes en roulant a mes cotes pour me filmer avec leurs telephones portable et enfin des cols routiers ornes de fanions multicolores de partout ! Question conditions climatiques, le fait d'evoluer au mois d'aout a haute altitude ne presentait pas que des avantages. La saison des pluies battait son plein en Chine du sud et les hauts reliefs n'etaient pas vraiment epargnes. En gros j'avais droit a plein d'orages, souvent en fin d'apres-midi et quasiment toutes les nuits (j'ai meme eu droit une nuit a 3 orages a plusieurs heures d'intervalle!) avec une pluie diluvienne et quelque fois de la grele . Question son et lumiere, les orages de hautes montagnes sont toujours hors normes: l'arborescence des eclairs est particulierement impressionnante et le fracas du tonnerre absolument assourdissant. Pas evident de dormir la nuit sous une tente quand les elements se dechainent ! Peu apres etre entre au Sichuan je traversais une immense plaine qui a cette epoque de l'annee etait litteralement envahie de yacks tandis que les eleveurs campaient avec leurs yourtes un peu partout. Ca faisait tres ambiance western sauf qu'ici les cowboys chevauchaient la plupart du temps des motos. L'autre activite de predilection des autochtone etait l'apiculture. Le seul ennui c'etait qu'ils placaient systematiquement leurs ruches a moins de 10m de la route et cette derniere etait tres souvent infestee d'abeilles. En gros j'avais presque en permanence la gueule et le torse mitraillee d'abeilles en pedalant. Ce n'etait pas specialement agreable mais pas dangereux tant qu'elles ne se heurtaient pas aux yeux ou a la bouche. Pas de probleme donc jusqu'à ce que je croise un essaim sauvage qui squattait dans une glissiere de securite. Alors que je m'etais arrete pour aller pisser, je fus surpris par plusieurs abeilles agressives. Je parvenais neanmoins a regagner mon velo appuye sur la glissiere et a repartir en trombe jusqu'à ce que l'une d'entre elles parvienne a me planter son dard juste au dessus du sourcil de l'oeil gauche, saloperie ! Le lendemain matin je me réveillais avec la paupière tellement enflee qu'il m'etait impossible d'ouvrir l'oeil: 2 jours a pedaler en borgne avec le seul oeil droit d'ouvert … Au moins, il m'arrivait de rigoler un peu dans mon malheur. Quand un pot de colle a moto se placait a cote de moi (sur ma gauche), je relevais la tete pour qu'il puisse voir mes yeux caches par la visiere de ma casquette et tandis qu'il accusait la surprise je lui lancais un «Ralooo, hu,hu,hu» … on s'amuse comme on peut !


Enfin vint le moment de m'engager dans une interminable vallee ou je devais deboucher a un peu plus de 500km de la dans la plaine de Chengdu. Apres un dernier col a 3600m je descendais dans un premier temps sur la ville de Songpan, fameuse pour sa forteresse medievale et haut lieu touristique du Sichuan. Je crois bien que c'etait la premiere fois depuis Kashgar 2 mois plus tot que j'appercevais autant de touristes occidentaux en Chine. Juste apres la localite les choses serieuses commencaient car la route 213 etait en travaux jusqu'à Wenchuan, soit 300km plus loin. Un interminable chantier ou je me retrouvais a rouler successivement sur des anciennes portions de la route d'origine bien defoncee, des secteurs ou la nouvelle etait pratiquable bien que pas encore asphaltee et enfin surtout de tres longues portions de piste de remplacement completement chaotiques et rendues boueuses a l'extreme par les innombrables pluies. La vallee etait magnifique, avec ces falaises qui plongeaient a pic dans la vallee mais je ne pouvais pas vraiment profiter du paysage car toute mon attention etait focalisee sur ma conduite. Avec le trafic intense de poids lourds typique des routes chinoises la piste etait vraiment digne d'un rallye ! La route descendait pour moi et je passais mon temps a eviter de me casser la gueule ou me m'embourber en jouant des freins en continu. Apres 2 jours dans ce cloaque non seulement j'avais des ampoules aux paumes a force de freiner, mais en plus j'avais perdu toute dexterite avec mes mains a cause des secousses violentes repetees sur le guidon, j'arrivais a peine a tenir une cuiller !

Mais le pire ca restait encore et toujours les automobilistes a gerer. Pour une fois les poids lourds et les bus ne m'emmerdait pas trop car ils devaient rouler au pas mais par contre il me fallait affronter les blaireaux en 4x4, et ce quelques centaines de fois par jour. «Affronter» n'est pas un terme assez fort pour decrire le bras de fer continu que je devais engager avec ces connards qui, non content de me casser oreilles avec leurs klaxon, etaient pres a me precipiter dans le vide plutot que de perdre leur vitesse de croisiere … et je ne parle meme pas des projections de boue que je me ramassais quand ils passaient en trombe a quelques centimetres de moi ! Y'en a quelques uns qui se sont pris des coups de pompe dans la portiere tellement j'etais furibard ! Les rares qui s'arretaient pour protester prennaient aussi sec la fuite quand il s'appercevaient a quel point j'etais fou furieux ! C'est le probleme en Chine, les types qui conduisent s'imaginent qu'ils ont tous les droits et ne comprennent pas que je ne m'ecarte pas systématiquement, quitte a m'embourber ou a crever un pneu, quand ils klaxonnent pour signaler leur arrivee. Et il ne comprenne encore moins que quelqu'un conteste l'ordre etabli (les proprietaires de 4x4 sont generalement d'un niveau social eleve) et qui plus est proteste en se mettant en colere (les chinois ne petent jamais les plombs, perdre la face ca s'appelle chez eux). Il y a parfois des fosses culturels qui separent les chinois des francais !

Le 4eme jour je traversais Wenchuan et retrouvais une parfaite route asphaltee, un vrai bonheur ! Je pensais avoir fait le plus dur mais je me trompais lourdement ...
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