premieres difficultes

mon passage dans le secteur tres agricole au sud est de Kashgar, Chine part 2 (Xinjiang) Kashgar -> Kargilik 13/06 -> 20/06/2010

Pendant cette 2eme semaine j’abordais pour de bon les choses serieuses. Fini les montagnes, desormais l’altitude resterait stable a 1000m pendant presque 2000km encore. Theoriquement, le desert du Taklamakan debute apres Kashgar mais la partie occidentale situee dans le triangle entre les rivières Kashgar et Yarkand au pied des Pamirs est abondamment alimentee par des cours d’eau. Resultat, il s’agissait surtout d’une large bande agricole entrecoupee de quelques zones desertiques, rien qu’une longue succession d’exploitations agricoles alimentees en eau en permanence par un tres dense reseau de canaux. Les canaux, justement, etaient particulierement problematiques quand on se deplace a pied. Il y en avait de toutes les tailles et malheureusement il n’y avait pas toujours de ponts a proximite pour les traverser. La route principale devenait bien souvent l’unique alternative, et vraiment pas la plus seduisante. Cote meteo, le temps s’etait considerablement ameliore depuis mon arrivee a Kashgar au point de devenir particulierement caniculaire. Avec les canaux et la vegetation abondante, l'humidité etait egalement elevee et plutot penible: je transpirais abondament toute la journee au point d’etre trempe en quasi permanence. Autant dire que cette semaine ne reste pas un formidable souvenir en ce qui me concerne.

La meteo me reservait aussi
son lot de surprises avec notamment 2 orages memorables. Le premier en particulier fut dantesque. Je me trouvais un apres midi dans une portion desertique d'une trentaine de km quand de gros nuages noirs commencerent a descendre des Pamirs vers la plaine et le tonnerre de commencer a gronder. Comme un ane, je disais que ca n'allais pas durer plus d'une heure et j'allais m'abrtiter sous la route dans un passage pour ravine assechee. Seche, elle n'allait pas le rester longtemps car passe une vingtaine de mn un petit ruisselet commenca a couler en grossissant a vue d'oeil de minute en minutes. Alors que ma ravine accueillait desormais l'equivalent d'un torrent, je dus me resoudre a sortir pour affronter les elements. Le spectacle qui m'attendait etait inoubliable: un melange d'eau et de boue s'ecoulait de partout dans le desert en provenance des premieres pentes des Pamirs et le desert entier etait devenu une ravine. Il s'ecoulait de 30 cm a 1 m d'eau selon les endroits et ma situation n'avait rien de rejouissante, il tombait des hallebardes et je pataugeais dans un cloaque jusqu'au genoux , avec du courant de surccroit ! Par chance j'appercevais au loin une maisonnette en terre et je me mis peniblement en route dans cette direction. Re-coup de bol, elle n'etait pas fermee a cle et il n'y avait personne meme si elle semblait habitee. Mais ma chance a tourne court quand un angle inferieur de la maison s'est desagrege a cause du ravinement qui s'abattait a l'arriere de la barraque … un flot de boue envahissait rapidement la demeure jusqu'à deborder par la porte surélevée de 50 cm. Je suis reste 2h la dedans assis sur un bidon a attendre que l'orage cesse et que le ravinement se tarisse. Le momnet venu, je ne demandais pas mon reste et mettais les voiles avant que le proprietaire ne revienne chez lui. Manifestement ce genre d'evenement devait etre frequent par ici car tout etait sureleve dans la barraque, cela dit il y avait pas mal de degat cette fois ci. Le plus insolite, fut que j'allais poser ma tente 2h plus tard sur un sol redevenu presque sec, en tout cas bien ferme, et passer la nuit sous un ciel etoile … comme s'il ne s'etait rien passe !

Le 2eme orage de ce genre fut presque aussi violent mais il fut moins prejuciciable pour moi. Tandis que je campais un soir pres d'un ruisseau dans un secteur semi-aride, je sortais vers 3h du mat pour aller pisser. Une fois dehors j'apercevais l'orage qui se pointait, mais cette fois ci du desert en direction des montagnes. Ca avait l'air serieux et ni une ni deux je repliais a la hate la tente et remplissais on sac pour filer vers un abri potentiel. J'aurais juste le temps de rejoindre une station essence avant que les elements ne se dechainent a nouveau. J'allais finir ma nuit a somnoler sur une chaise dans la station tandis que les pompistes hans m'avaient accuelli jovialement. Depuis ces orages, ma principale preoccupation fut de trouver un endroit a la fois surreleve et discret pour poser ma tente chaque soir, et la chose ne fut pas toujours aise. En traversant ces contrees je retrouvais des vielles connaissances comme les moustiques et les tiques. J'ai d'autant plus apprecie ces retrouvailles que la fermeture eclair de ma tente etait foutue. La moustiquaire que j'utilisais pour dormir a la belle etoile reprenait du service mais pour la tente desormais.

J'avais conserve le rythme de marche de ma premiere semaine en Chine, a savoir entre 30 et 35 km par jour mais malgre l'absence de reliefs cela me demandait d'avantage d'efforts. La canicule et l'humidité rendait la marche encore plus penible et il me fallait bien 30 mn de pause toute les heures pour recuperer. Question ravitaillement, j'avais quelques difficultes a trouver facilement de quoi bouffer correctement meme si j'etais loin de retrouver la diete que j'avais connu en Asie entrale. Pour trouver de quoi se nourrir, les villages ouighours ce n'etait pas le top: les epiceries ne proposaient guere plus de choix qu'une station essence, a savoir des gateaux ou des snacks vendus a l'unite et leurs maudites petites bouteilles d'eau mineale ou de sodas de 25 et 50 cl maximum. En fait il n'y avait que les sachets de nouilles chinoises de valable. Heureusement dans les bazars il etait tres facile de trouver du pain (les hans n'en font pas) et aussi des fruits secs voire des legumes pour agrementer mes nouilles deshydratees. Dans chaque ville, meme modeste, il y avait des hans et donc des epiceries tenues par des chinois. La par contre il y avait beaucoup plus de choix mais il n'etait pas toujours facile d'identifier les produits dont les emballages etaient clos et rediges en chinois. Bref c'etait un peu la loterie , j'essayais des trucs au hasard avec parfois des bonnes ou des mauvaises surprises a l'arrivee (oui parce que les chinois ont des fois des gouts bizarres avec des pattes de poulets sous plastique par exemple).

En ce qui concernait l'eau potable, je n'avais souvent qu'une vraie opportunité par jour pour faire le plein en traversant un village assez gros. En effet, il y avait toujours au moins un robinet a debusquer dans les bazars sur la place publique avec de l'eau pas toujours tres claire. Il y avait de l'eau partout avec les canaux d'irrigation mais a choisir je preferais eviter d'y gouter car les agriculteurs du coin avaient tendance a balancer beaucoup d'engrais et de pesticides un peu partout. En general je remplissais mes bouteilles aux robinets et je filtrais l'eau un peu plus tard lors d'une pause dans un endroit discret. En tout cas tout sauf filtrer dans un village: je risquais d'etre arrete pour trouble a l'ordre public avec tout les spectateurs qui se massaient autour de moi pour m'observer ! Il faut bien dire que ca commencait a devenir penible ca aussi a force. Etre mate voire interpelé, j'en avais l'habitude depuis longtemps nais la ca devenait ridicule: l'immense majorite des ouighours me regardaient juste avec insistance, seul ou en groupe, silencieusement et sans la moindre expression comme s'ils etaient devant la tv. A la moindre pause dans un endroit pas trop discret, j'avais un «public» qui se constituait rapidement a quelques metre de moi juste pour me reluquer. Idem quand je rentrais dans un commerce pour faire des courses par exemple, le magazin se remplissait de plusieurs mateurs en quelques secondes … Je vous garantis qu'au bout de 2 semaines ca n'a plus rien de drole ! Quelquefois, essentielement quand j'etais excede et completement lessive par la fatigue, je me levais et avancais deliberement vers mes «mateurs» et commencais une «bataille de regards» en les regardant froidement (et méchamment ca va de soi) dans les yeux: ils baissaient les yeux tres rapidement ou regardaient ailleurs visiblement genes mais ils ne partaient jamais, meme au bout de plusieurs minutes ! D'autres fois je tentais un peu d'humour en tendant ma casquette pour reclamer des sous avec le sourire, comme le ferait un saltimbanque avec son public mais ils continuaient toujours a reluquer sans la moindre reaction …ca devenait desesperant a la longue. Pour le coup, il me tardait vraiment d'atteindre les grandes etendues desertiques !
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