La marche de la pluie

Avant derniere etape de ma traversee australienne, ou comment essayer d'esquiver la saison des pluies ... a pieds. Australie part 7: New South Wales, Texas - Braidwood 30.11 - 31.12.2011



Avec l'idee en tete de terminer a Sydney, j'avais plus ou moins etudie la carte pour avoir un parcours "optimise", a savoir passer par des zones forestieres, petits axes routiers, zones a reliefs et enfin une ville importante de temps en temps pour le ravitaillement. A priori la chose etait tout a fait realisable avec un itineraire tout en zig zag et quelques detours vers l'ouest. En attendant le nord du New South Wales etait dans la parfaite continuite du sud du Queensland avec des etendues forestieres a perte de vue. Cote meteo, peu de changements non plus avec toujours des orages plus ou moins violents en fin d'apres-midi les premiers jours. Cependant, une pluie legere et continuelle allait rapidement devenir la norme pendant pres d'une semaine, maudite saison des pluies ! Sur les petites routes que j'arpentais la chaussee etait souvent inonde dans le fond des vallees et je devais regulierement retirer mes pompes pour passer pieds nus (j'avais paume mes sandales chinoises debut octobre au Queensland). En entrant dans le New South Wales, ma "notoriete" radiophonique s'etait desormais evanouie mais toutefois je continuais a faire sensation lorsque je deboulais dans une petite ville. A la vue du phenomene hirsute qui tirait sa charette, certains m'offraient spontanement de la bouffe, quand ce n'etait pas l'hospice de vieux de Barraba qui m'invitait a grailler. Un bon "Diner de con" a l'ancienne pour distraire les seniors: cela dit, a partir d'une certaine quantite de calories offertes je faisais le "con" volontier ! Passage au ravito oblige, je me farcissais 2 jours sur un axe important pour aller puis repartir de Gunedah. Mais desormais, en plus du temps pourri en continu il y avait de tres gros orages tot l'apres-midi: ces enormes depressions transitaient depuis la baie au sud de l'Australie en direction du nord-est et j'etais en plein coeur de la zone de passage traditionnelle. L'orage que j'allais me farcir en quittant Gunedah etait justement du genre dantesque ...


Vers midi, alors que je m'etais eloigne de 10 bons km du centre ville, j’apercevais d'enormes nuages noirs cinglant d'eclairs a l'horrizon se pointer dans ma direction. Ni une ni deux, je degageais pour mettre la tente dans la bande de 100m de bush entre la route et l'incontournable barbele qui delimitait une propriete privee. La vegetation etait suffisamment dense pour se planquer donc la etait l'essentiel. Je choisissais un emplacement assez sureleve  pres des arbres (oui ce n'est pas une bonne idee avec le tonnerre mais l'eau s'accumule rarement au niveau des racines) et placais la tente en un rien de temps. Allonge sur le tapis gonflable j'etais pret a attendre la fin de l'orage. Et quel orage ! Pendant les 20 premieres minutes, rien a signaler, des cordes s'abattaient en continu mais la tente faisait merveilleusement son office de sanctuaire. Puis d'un seul coup j'avais 2 bons cm de flotte dans la tente ... J'etais pris de court ne sachant quoi faire sinon attendre que la decrue s'amorce au bout d'un moment mais encore quelques secondes de plus et c'etait l'inverse qui se produisait: ce coup ci l'eau montait jusqu'a 15 cm et le niveau semblait augmenter au fur et a mesure ! Le duvet encore emballe d'une main et l'ordi portable avec l'Apn sous plastique de l'autre, je me ruais hors de la tente. Ma bonne vielle charette avec ses roues de 20 pouces surnageait encore et je fourrais dedans tout ce qui n'avait pas encore pris l'eau (c'est a dire pas grand chose). Sous des trombes d'eau je demontais la tente, rattrapais les trucs qui commencaient a deriver, m'habillais presto avec des fringues detrempees, entreposais n'importe comment tout ce qui etait mouille sur la carriole et enfin je remontais sur la route. Presque immediatement j'avais l'explication a toutes mes miseres. Un passage de ravine avait ete rapidement bouche par des branches et de la boue et la flotte s'etait accumulee de l'autre cote de la route pour enfin deborder anarchiquement de partout, et en particulier en amont de mon spot ! De depit, je me resolvais a faire ce que  je n'avais pas fait depuis tres tres longtemps: demander l'hospitalite. Et la chose fut tres aisee. A la premiere barraque ou je me pointais, les gens acceptaient d'entree de jeu de m'heberger dans leur caravane (presque tous les australiens du bush ont une caravane dans leur jardin a vrai dire). Douche chaude, repas et meme la barraque a moi tout seul pendant qu'ils se barraient pendant 3h a un repas de l'avant noel ! Seul bemol, l'orage avait detraque l'antenne wifi donc pas d'internet mais je ne faisais pas la fine bouche ! Le lendemain, avec presque tout de sec, je me tappais une journee marathon pour sortir d'une zone de cuvette et atteindre la petite route et les premiers reliefs tandis qu'un autre orage se pointait a nouveau. Pendant plus de 4h je marchais sans prendre une goutte alors que les elements se dechainaient a plusieurs km sur ma droite. L'orage prennait une direction parralelle a ma trajectoire, ouf ! Les jours qui suivirent je m'eloignais du fameux couloir a orages et je n'avais plus la pression de bivouaquer dans l'urgence. Je traversais a nouveau des coins forestiers a reliefs et le moral revenait au beau fixe. Enfin il y avait toujours les secteurs miniers a traverser. Oui parcequ'il faut quand meme que je parle du phenomene minier en Australie. L'Australie est un pays particulierement riche en toutes sortes de mineraux et manifestement presque toujours a faible profondeur. En gros, oubliez le cliche de Germinal avec ses mineurs qui descendent dans des boyaux plusieurs centaines de metres en sous sol: la tout se passe en surface et on gratte au tractopelle d'enormes superficies. Bref, c'est moche et en plus c'est a perte de vue ! Mais le plus siderant encore ce sont les mineurs eux-meme. Pour etre passe regulierement dans des zones minieres au Queensland et au New South Wales, j'avais souent entendu le meme son de cloche: les mineurs sont payes comme des ministres en Australie ! A plusieurs reprises on m'avait mentionne des salaires allant de 3000 a 5000 $Au ... la semaine !!! Tant mieux pour eux c'est sur, mais manifestement les locaux n'appreciaient guere la perspective de l'ouverture d'une nouvelle mine. En dehors de l'impact environnemental c'etait surtout la montee en fleche des prix de l'immobilier qui les emmerdait. En ce qui me concernait c'etait ces immenses zones de residences fortifiees au barbele a traverser qui me cassait les couilles, surtout dans des coins supposes deserts!

En arrivant a Mudgee, autre ville etape de ravitaillement, je n'etais plus tres loin de Sydney. Encore un peu moins de 2 semaines et je devais y arriver. Seulement je n'avais plus envie d'y aller, comme avant Brisbane au Queensland. Le sud du New South Wales avec ses multiples parcs nationaux et surtout la province de Victoria et ses montagnes ainsi que ses immenses etendues forestieres publiques (!) me tentait vraiment. C'etait decide, je voulais desormais finir a Melbourne ! Je concoctais a nouveau un itineraire a court terme pour passer dans les coins les plus interessants du centre puis du sud du New South Wales et vogue la galere ! En traversant la region a l'ouest de Sydney, meme dans les coins les plus recules, je redecouvrais les joies de la ballade au paradis de la seringue, comme au bon vieux temps de mon passage le long de la mer Caspienne en Iran 2 ans plus tot. Sydney est reputee pour etre une ville a forte concentration de toxicos et j'en avais la preuve plusieurs fois par jour sous les yeux: tres regulierement il y avait des seringues avec aiguilles par terre sur le bord des routes mais aussi dans les coins a l'ecart dans le bush (accessible en bagnole bien sur, on est en Australie!). Autant dire que je passais beaucoup de temps a regarder par terre surtout avec des chaussures trouees et eventrees (les memes que je portais neuves en Iran d'ailleurs)! Le New South Wales etant la region par laquelle les premiers colons se sont pointes en Australie, j'avais droit egalement aux "monuments historiques" du cru: a savoir, la premiere barraque d'un bled, la premiere mine, le premier moulin ... etc. Apres avoir traverse l'Europe puis l'Asie avec ses civilisations plusieurs fois millenaires c'etait amusant de voir ces monuments du patrimoine national a peine vieux de 200 ans ! En passant par Bathurst, autre grosse ville, j'en profitais pour racheter des pneus neufs (les derniers de mon periple australien mais la 4eme paire tout de meme) mais egalement 2 autres roulements a billes car les derniers originaux grincaient mechamment. A 20$Au le pneu et 10$Au le roulement, elle commencait a me revenir cher cette foutue charrette !

Dans la partie sud du New South Wales il me fallait passer entre la cote et la mini province de Camberra (la capitale) et la encore c'etait jouable de traverser des coins paumes qui vallaient le coup. Toujours des collines boisees au programme en somme. D'ailleurs au sud du New South Wales l'elevage des moutons avait fini par detroner l'incontournable industrie de la vache a viande, fini les immenses exploitations interminables. Sans vraiment depasser les 1000m d'altitude le coin etait particulierement vallone avec des pentes plutot raides. Je me souviens entre autre de cette longue descente vers l'Abercrombie river dont le denivele approchait les 20% ! Je n'avais pas connu ca depuis Sumatra en Indonesie plus de 8 mois plus tot ! A cette occasion je petais d'ailleurs l'axe des roues de ma charrette en commettant l'imprudence de placer la carriole un peu en travers dans la descente pour me soulager un peu (je n'avais pas de frein sur l'engin qui pesait plus de 100kg l'air de rien). Et encore 10$ a depenser a la prochaine ville pour une autre tige filetee ! Il faut dire qu'a force d'arpenter des zones a reliefs j'avais recommence a souffrir d'une vielle douleur dans l'epaule gauche. J'avais eu un nerf coince pendant plusieurs mois derriere l'omoplate en 2001 en soulevant un truc hyper lourd au boulot, et la pression exercee sur les epaules dans les descentes reveillait desormais a chaque fois la douleur comme une aiguille plantee dans la chair. En comparaison les montees etaient presque un soulagement ! La derniere semaine de l'annee etait pour moi l'occasion de balancer ma paire de pompes completement defoncees (je pouvais toucher le sol avec les orteils du pied gauche!) et d'enchainer avec les neuves que je trimballais depuis la Malaisie (enfin j'avais deja porte cette paire pendant 3 semaines en juillet-aout entre Katherine et Tennant Creek). Mon cadeau de noel en somme ! En quittant Goulburn, ma derniere grosse ville au sud du New South Wales un type en pick up s'arretait pour me faire la conversation: il avait realise un charriot pour un belge qui avait traverse a pied le desert du Tanami (un charriot dans le sable, putain le malade ^^) quelques annees plus tot et forcement etait intrigue par mon attelage. Quelques jours plus tard, le 30 decembre, je le croisais a nouveau tandis qu'il quittait son bled pour reveillonner a Camberra. Il m'invitait a squatter sa baraque dans la petite ville de Braidwood pour la soiree du 31 en son absence: je devais aller voir sa voisine qui avait un ranch 5 bornes plus loin (oui on est en Australie !) pour qu'elle me file les cles. Le 31 j'arrivais donc a Braidwood et apres avoir file un coup de main a Victoria, la voisine, avec ses vaches (oui enfin facon de parler, ne demandez pas a un parisien de conduire des bovins dans un champs, qui plus est grand comme un departement ^^) j'etais invite a la soiree du jour de l'an du bled. C'etait une soiree costumee dont le theme etait la fin du monde: avec mes cheveux longs, ma longue barbe et mes vetements troues je n'avais meme pas besoin de me deguiser, plus vrai que nature ! Le 1er janvier je passais une journee a rien foutre dans la barraque vide avant de me remettre en route le lendemain. Avec le sud du New South Wales et la province du Victoria en perspective j'attaquais ma derniere portion de mon periple australien, j'avais garde le meilleur pour la fin !

Billet précédent :
Cap vers le sud

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