Cap vers le sud

Derniere partie de ma traversee du Queensland, agrementee de quelques problemes mecaniques - Australie part 6: Queensland, Sapphire - Texas 29.10 - 30.11.2011


Passe ma petite experience de chercheur de saphyrs je reprenais ma routine de vagabond trainant ma charrette derriere moi. Toujours sans idee precise de destination je me dirigeais vaguement vers Brisbane. Pour la premiere fois en Australie j'avais d'avantage d'options d'itineraires a present et mon unique priorite etait de crapahuter sur des axes secondaires peu frequentes voire des pistes en terre (pas trop pourries tout de meme). A partir d'Emerald je partais plein sud sur la route Dawson qui ne traversait que quelques localites minuscules, des lors je n'avais presque plus a me preoccuper du traffic routier. 


Ca sera pourtant sur cette portion que j'allais experimenter mon unique intervention "mediatique"  australienne. Quelques km avant Springsure une bagnole s'arretait a ma hauteur et des journalistes de la chaine radio ABC (l'equivalent de la BBC australienne) du Queensland  me degainaient aussi sec un micro sous le pif pour une interview express. L'affaire etait pliee en moins de 10 mn en echange de plusieurs oranges, toujours bon a prendre. L'air de rien, avec cette interview j'allais acquerir une petite notoriete pendant plusieurs semaines aupres des rares automobilistes de passage et de fait augmenter significativement les "offrandes" de bouffe. A ce sujet je dois bien reconnaitre que j'ai eu l'occasion de rencontrer un panel assez large d'autochtones que ce soit de simples vacanciers du sud, fermiers du bush, conducteurs de bus scolaires, d'autres rares routiers, des employes de mines ... etc. Mais le plus marrant c'etait de croiser des alcoolos ou des fanatiques religieux: les premiers me refilaient toujours des bouteilles de bieres (oui, rarement une seule !) tandis que les seconds se sentaient obliges de me tanner avec leurs preches a 2 balles. Je me souviens notament d'un temoin de Jeovah qui m'avait tenu la jambe pendant une demi heure a vouloir absolument connaitre quels avaient ete mes peches pour devoir effectuer une telle penitence avec ce tour du monde a pied ! Bien que laic et profondement anti-clerical je les laissais generalement deblaterer en sourriant en attendant l'incontournable don de graille, ne jamais perdre de vue l'essentiel !  Au moins le cadre dans lequel j'evoluais etais toujours aussi agreable avec ces successions de collines plus ou moins boisees. Il y avait toujours autant de clotures barbelees mais il m'etait facile de penetrer chaque soir dans le bush par des portails tant le coin etait peu peuple. Cote meteo l'affaire ne se presentait pas trop mal egalement: passe quelques orages peu apres mon depart de Sapphire, le temps etait redevenu durablement au beau fixe. Malgre tout la poisse me rattrapait au bout d'a peine une semaine de marche avec un probleme mecanique d'importance: je niquais un roulement d'une de mes roues (il en avait 2 par roue) au beau milieu de nulle part. En allegeant au maximum avec le sac a nouveau sur le dos, je parvenais neanmoins a rallier une minuscule localite (une simple station essence avec 2 ou 3 baraques) sans trop flinguer l'axe des roues. En epluchant le botin de la cabine telephonique de la station je trouvais les coordonnees de quelques boutiques de mecanique a Biloela, une ville a presque 200 bornes vers l'est. Je laissais la carriole a la station et m'engageais le lendemain pour une journee d'auto-stop aller et retour. Malgre le maigre traffic routier je parvenais neanmoins a accomplir la mission en revenant peu avant la tombee de la nuit avec des roulements neufs plus quelques provisions de bouffe. Il parait que l'auto-stop est facile en Australie mais j'aurais passe de longues heures a glander au bord de la route a voir passer en trombe des bagnoles vides ... pourtant je n'avais presque pas de barbe (je m'etais rase une semaine auparavant a Sapphire) et ma tenue vestimentaire etait plus que correcte (avec un simple pantalon et une chemise j'avais l'air d'un lord en comparaison des ploucs du bush en short et t-shirt crasseux !). En fait, je n'ai du mon salut qu'a une succession de lifts de la part de "marginaux": en l’occurrence, des aborigenes (de Woorabinda, l'unique reserve aborigene du sud Queensland), un chomeur dont la boite venait de couler (le chomage est presque inexistant en Australie et la crise economique un phenomene inconnu !), un sourd-muet (pas besoin de se farcir une conversation ^^) et enfin un postier souffrant d'un handicap a une jambe !  


Les jours suivant j'en terminais avec le bitume en n'empruntant pendant pres de 2 semaines qu'un enchainement de "gravel roads" (pistes en terre ou rocheuses) et d'axes mineurs partielement asphaltes. L'experience fut tres gratifiante car outre le traffic routier absolument inexistant, j'ai pu deambuler dans de grandes etendues de vastes zones de forets publiques, toujours bouclees derriere une cloture barbelees mais fort plaisant tout de meme. Je croisais de temps en temps des bourgades suffisamment peuplees avec des superettes aux tarifs pas trop exhorbitants (du moins sur les trucs que je prennais tout le temps) ainsi que des bibliotheques dotees d'internet ou je parvenais regulierement a eviter de payer ma connection (le procede est explique dans la fiche pays Australie). Unique point negatif a deplorer, les tiques etaient toujours aussi presentes dans le secteur. Chaque soir je devais m'inspecter de la tete aux pieds pour debusquer ces foutus morbaques: avec ma pince tire-tique il ne m'etait pas difficile de les virer a part quand elles avaient decide de se planter dans mon dos. Dans le registre des bestiaux peu sympathiques il y avait surtout les serpents. L'Australie est reputee pour ses serpents parmis les plus venimeux au monde et ils sont tres nombreux a se balader dans le bush. Les plus rependus sont les brown snakes mais il y en a plein d'autres tout aussi dangereux. Les brown snakes sont comme leur nom l'indique de couleur marron (y'en a plein de varietes) et en general plutot massifs: malgre leur teinte assez difficile a distinguer dans la vegetation jaunie par le soleil leur gabarit les rends plus facile a reperer tant qu'ils sont en mouvement. En tout cas mieux vaut eviter de se faire mordre par un de ces specimens car sans traitement rapide l'issue est toujours fatale. Ces bestioles figurent parmis les principaux sujets de conversations des australiens du bush qui ont toujours un tas d'anecdotes a raconter a propos de gens mordus. Je me souviens d'ailleurs m'etre entendu repondre un jour tandis que j'interrogeais un plouc sur la toxicite du venin d'un serpent noir que je venais de croiser: "tu fumes ?", "heu ... ouais.", "bin si celui-la te mord, le seul truc que tu auras le temps de faire c'est d'en griller une derniere !". Je ne pourrais pas chiffrer le nombre de fois auquel j'ai du faire face a un de ces bestiaux durant tout mon sejour australien mais je dois reconnaitre qu'a aucun moment je ne me suis vraiment senti en danger car les serpents foutaient le camp quasiment a chaque fois ou a defaut restaient immobiles. Cela dit j'aurais tout de meme experimente quelques frousses en apercevant au tout dernier moment un serpent planque dans un fourre qui se decidait a degager a mon approche ! Enfin comment ne pas oublier les araignees australiennes, avec en particulier  la fameuse redback dont la morsure provoque de tres penibles douleurs et convulsions ... et bien d'autres toutes aussi charmantes dont j'ai oublie le nom qui vous gratifiaient de severes lesions voire meme de necrose de la chair ! Autant dire qu'a chaque incursion dans le bush j'avais toujours les yeux rives vers le bas ! 


En approchant les 200 dernieres bornes a l'ouest de Brisbane j'abordais une vaste plaine sans reliefs. Tout le charme des derniers jours s'evanouissait tandis que je traversais ce secteur d'agriculture intensive particulierement laid. Comme si cela ne suffisait pas le mauvais temps faisait egalement son retour. En dehors du fait que je n'apprecie pas specialement d'evoluer sous la pluie, j'avais de bonnes raisons d'apprehender les orages avec leurs copieuses precipitations: la zone a l'ouest de Brisbane-Toowoomba est en quelque sorte une immense cuvette et l'endroit est particulierement propice aux inondations comme ce fut le cas en 2010 et debut 2011. Meme si les probabilites d’inondations etaient encore limitees en novembre, plusieurs grosses averses suffisaient a detremper le sol et me compliquer encore d'avantage la tache pour bivouaquer au sec (en plus d'etre planque evidement). Je parcourais de grosses distances journalieres pour traverser au plus vite le coin et parvenais presque a en sortir en evitant le gros des pluies. Je dis presque car pendant 2 jours je pataugeais litteralement dans la flotte de jour comme de nuit au sud de Dalby. En plus de me prendre des gouttes sur la gueule dans la tente j'avais droit en prime aux infiltrations par le sol: je devais laisser le maximum de trucs dans la charette et surelever (avec mes gros bidons d'eau) puis couvrir tout le reste dans la tente; de mon cote, le matelas pneumatique gonffle a bloc me permettait tout juste de rester au sec ! Bien entendu, en quittant les secteurs forestiers j'avais eu droit au retour en force des mouches, et c'etait peu dire. Malgre la pluie continue les mouches etaient toujours aussi massivement presentes et plus que jamais pots de colle. Ca commencait a devenir vraiment dement: je devais porter la moustiquaire de tete meme sous une pluie battante et ma chemise ainsi que la bache recouvrant ma charette etaient noires de mouches ! Pour courronner le tout, les roulements de ma charette changes quelques semaines plus tot commencaient deja a grincer mechamment. Je n'avais pas pu trouver autre chose que des roulements a cloisons plastiques (les originales etaient metalliques) et mon passage sur les pistes avait du les mettre au supplice. Un grand moment que ces derniers jours de traversee de la plaine du sud Queensland a n'en pas douter ... 


Arrive a la localite de Millmerran je laissais a nouveau ma charrette dans le jardin du premier type a qui j'adressais la parole et me postais a la sortie de la ville pour une autre mission d'auto-stop. Cette fois-ci je me rendais a Toowoomba, la plus grande ville non cotiere d'Australie 100 bornes plus loin, et j'avais la ferme intention d'acheter les bons roulements ainsi qu'une nouvelle tente digne de ce nom. La encore, la mission fut accomplie en une journee marathon notamment grace a mon premier lift qui me deposait successivement a un atelier de roulements en peripherie puis au centre-ville dans le quartier des boutiques de camping. Je parvenais a mettre la main sur une tente monoplace legere assez longue et plutot spacieuse pour 60 $Au, une sacre aubaine connaissant le cout de la vie en Australie ! De retour a Millmeran, je repartais en fin d'apres-midi l'esprit apaise, assure de ne plus avoir de problemes d'intendance d'une part et enchante de quitter cette vilaine plaine pour penetrer les grandes forets du sud du Queensland et du nord du New South Wales. En effet, plutot que d'aller a Brisbane je pensais continuer jusqu'a Sydney et profiter encore du relief et du cadre forestier de la region en restant sur un axe secondaire une fois n'est pas coutume. Et puis en partant vers le sud, je me rapprochais de l'ete austral et m'eloignais des secteurs ou allait sevir la saison des pluies, la perspective etait plutot interessante ! Pour une semaine je progressais donc plein sud pratiquement exclusivement a travers des forets d'Acacias. Ces states forests etaient reserves a l'exploitation du bois et il etait facile d'evoluer dedans chaque soir pour le bivouac en suivant des pistes ... pour trouver un portail qui permettait de franchir l'inevitable cloture barbelee. Hormis ce detail je n'avais pas a me plaindre de mon sort, le cadre etait franchement agreable et j'avais bien souvent la route a moi tout seul. La meteo s'etait quelque peu amelioree avec desormais la configuration classique des orages en soiree ou en fin d'apres-midi mais je n'avais plus grand chose a craindre avec le retour des reliefs et ma nouvelle tente parfaitement etanche. Pourtant, lors de ma derniere nuit au Queensland, a quelques km de la localite de Texas, j'etais reveille a 3h du matin par un bruit de frottement bizarre sur le cote: un porc-epic enorme (pres de 40 cm de long !) cherchait a s'aventurer sous la toile externe de ma tente ! Avec ses epines hyper pointues longues de 10 a 15 cm il risquait de faire du degat, alors je lui gueulais dessus (en general ca fait fuir les animaux) mais sans succes car il se contentait de se foutre en boule avec touts les aiguillons saillants ... Avec un baton je lui collait bien quelques taquets pour le faire degager mais ce foutu bestiau paniquait et cherchait a se planquer en forcant le passage son ma tente toute neuve ! Avec de surccroit un matelas pneumatique a l'interieur je n'avais pas le choix: je virais en urgence toutes les sardines et retirais rapido la tente pour eviter qu'il ne me bousille tout, maudit rat ! Apres avoir avale mon petit dejeuner reglementaire (flocon d'avoines avec de l'eau froide sucree) et grille une cloppe, je reprennais la route avant l'aube. Une nouvelle province australienne m'attendait tout pres.
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A la recherche des Saphirs

Commentaires

Toujours un plaisir de te lire, bon courage pour la suite.

Tu as eu un sacré courage d'affronter ce porc-épic! Je n'aurai franchement pas su...

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