Les toutenmarchistes et les forces de l'ordre 1ere partie

Petit florilege de nos relations avec l'armee turque, hivers 2009 (Toutenmarchant)

Avant toutes choses, je tiens a preciser que nous ne sommes pas la pour juger de n'importe quelle maniere le fonctionnement des forces de l'ordre en Turquie, d'autant que notre chere patrie est loin d'etre exemplaire sur le sujet, mais plutot apporter notre temoignage de voyageur a pied dans ce contexte tout en essayant d'en interprêter les circonstances ... Tout d'abords il y a nous: a quoi ressemble-t-on ? Eh bien nous sommes des marcheurs a fortiori jeunes ( entre vingt-cinq et trente-deux ans), plus ou moins bien rases selon les opportunites, habilles de vêtements de randonnee occidentaux parfois tres uses et salis, nous portons des sacs a dos assez massifs ( de quatre-vingt a quatre-vingt dix litres, selon remplissage) et nous avons a la main une paire de bâtons de marche metaliques. Ensuite nous empruntons generalement des pistes en terre, des petits chemins voire nous pratiquons du hors-piste, il nous arrive cependant de marcher sur des axes bitumes mais plus rarement en proportion. Generalement on se debrouille pour s'arrêter avant la nuit, d'une part parce qu'on n'y voit plus (!) et ensuite parce que les gens sont nerveux quand ils apperçoivent des silhouettes dans l'obscurite et qu'ils ont parfois des flingues sous la main... Nous determinons notre itineraire dans un pays en connaissance de cause, la plupart du temps en s'informant sur le site internet du ministere des affaires etrangere français ou aupres d'autres sources, et que globalement nous cherchons a eviter les ennuis même si de temps en temps il faut passer par un coin qui craint un peu. Enfin nous sommes rôdes a l'exercice du contrôle de papier depuis le depart pour en avoir fait deja maintes fois l'experience en Europe ou l'on nous prenait pour des clandestins, des punks a chiens ou que sais-je encore, des gens louches ! Notre pays hôte, la Turquie: avant tout, il faut savoir que l'armee est une veritable institution en Turquie, qu'elle tient une place importante depuis la fondation de la republique par Atatürk dans l'esprit des gens et qu'elle detient une partie du pouvoir notament sur la question de la securite que ce soit sur la politique exterieure ou les problemes internes du pays. Ensuite il est a signaler qu'il peut arriver plus ou moins frequemment que quelqu'un signale par telephone notre presence aux gendarmes, que ce soit une personne croisee en cours de route ou bien même une personne qui nous invite sans arriere pensee a entrer chez lui, et que cela debouche systematiquement sur un contrôle par une patrouille debarquant d'un vehicule. Dans tous les cas la personne responsable de l'appel nous rassurera pendant la verification (ca peut durer entre cinq minutes et une heure) en te disant que c'est une procedure normale, qu'il ne faut pas s'en offusquer ...c'est peut etre normal ou culturel, ca n'en reste pas moins de la delation. Un point important, et pas des moindres : Le pays connait de graves problemes de securite lies aux actes de guerilla des groupes armes du PKK, essentiellement dans le secteur majoritairement peuple de kurdes dans le Sud-Est du pays et dans une moindre mesure dans les regions environnantes (Zone orange). Ca se traduit concretement par une presence accrue de militaires dans ces secteurs, et qu'ils sont globalement plus nerveux (la grande majorite du contingent provient des appelles du service militaire).A ce sujet la television turque est assez flippante et en rajoute pas mal sur la "terrör" en question mais une fois encore on pourrait retorquer que nos medias bien de chez nous sont aussi doues a ce petit jeu. Enfin il faut bien entendu preciser qu'en dehors des zones touristiques, les randonneurs avec sac-a-dos sont inexistants; il arrive qu'on nous evoque le passage de voyageurs a velo mais s'agit bien souvent de l'unique precedent. Pour illustrer un peu mes propos, voici un " best of" de nos contrôles les plus marquants :
 
Le 24-12-08 (les sept), Edirne : nous sommes tous rentres de Cappadoce pour nous retrouver a Edirne au terme du premier visa turc dans l'optique de passer les fêtes de fin d'annee en Grece avant de refranchir la frontiere pour trois nouveaux mois direction Aksaray. Nous etions donc tous la a nous diriger sur un chemin boueux parallele a la route vers ce que nous pensions etre la direction de la frontiere grecque de Kastanea lorsque nous nous rendimes compte que l'on prenait au contraire celle du poste frontiere Bulgare de Kapikule. Plutot que de revenir sur nos pas nous decidâmes de longer la riviere a deux-cent metres de la jusqu'a ce que nous tombions sur un petit panneau rouge indiquant une zone militaire. A peine le temps de lire la pancarte que nous apperçumes sur notre gauche une petite troupe de militaires arrivant en courant au loin, mitrailettes a la main. Exercice matinal ? Jogging ? Non, branle-bas de combat ! Ils arriverent a notre hauteur en hurlant "Yat ! Yat !" ("a terre" en turc) et en nous braquant avec leurs armes ! Certains d'entre nous s'executerent, d'autres comme moi resterent meduses a les regarder, s'imaginant regarder un mauvais film de guerre. On nous emmenera donc a la fameuse caserne avec un peu plus de menagement, on nous offrira des rations militaires ainsi que l'incontournable the. Puis ils procederont a une palpation de nos vêtements (ils n'ont pas trouve mon couteau, vive les sur pantalons !), eplucheront nos portefeuilles, envisageront un temps de fouiller nos sacs avant de se raviser en ouvrant le mien en premier (moi seul est capable de m’y retrouver dans ce merdier).Enfin nous serons relaches trois heures plus tard quand le commandant du secteur arrivant sur place nous epargnera, dans un francais impecable, la procedure policiere qui devait se derouler dans la foulee. Qu’il en soit remercie, nous allions pouvoir feter le reveillon de noel dans les temps !

Le 13-01-09 (T,S,K) Karacaoren : Nous evoluions en Cappadoce depuis bientôt plus d’une semaine en plein cœur d’une region touristique ou les habitants sont pour ainsi dire habitues pour ne pas dire blases des occidentaux, meme des marcheurs avec des gros sacs-a-dos tel que nous. Pourtant nous sommes de passage dans un secteur de transit au sud de Nevsehir, sans site d’interet particulier, a vocation essentielement agricole. Au terme d’une journee de marche un peu etrange nous distinguames au loin un ensemble de grottes a flanc d’une colline, tournant le dos a un petit village situe a deux km environ, qui semblait etre l’endroit ideal pour un bivouac nocturne. Alors que nous entamions l’ascension, il nous sembla entendre au loin un sifflement mais nous ne distinguerions rien de particulier a l’horizon, nous decidames donc de continuer notre progression vers les grottes ; il etait pres de 16 heure et la nuit tombait vite a cette epoque de l’annee. Une fois sur place, nous nous installerons comme d’habitude dans la meilleure grotte, allumerons un feu pour faire cuire notre ration de Bulgur (semoule locale) avant de rentrer dans nos duvets pour passer la longue et glacee nuit hivernale. Vers vingt-et-une heure, tandis que nous conversions allonges dans nos sacs de couchage et plonges dans le noir, deboulle dans notre grotte une troupe d’hommes hurlants tout en nous eblouissant de leurs lampes torches. Stupeur ! Je me redressai, tachant de retrouver mon couteau en palpant pres de mon duvet ne sachant trop a qui nous avions a faire. Puis les intrus en question commencerent a etre visibles et il apparaissait clairement que nous etions face a des militaires nous braquant de leurs revolvers … je cessai ma recherche et nous commencions a brailler egalement en turc «nous sommes francais, touristes, nous avons nos passeports » histoire d’eviter la bavure ! L’atmosphere se detend, ils rangent leurs armes, et nous font remballer notre equipement direction le village tout proche. Arrives sur place, nous nous rendimes dans le bureau du maire ou, en plus de celui-ci, siegaient presque la moitie des hommes du village malgre l’heure tardive, attendant manifestement le denouement de l’intervention des gendarmes. On nous offrira du the pendant que les gendarmes procedaient au sempiternel contrôle de passeports. De notre cote nous expliquerons notre projet a l’assemblee visiblement detendue. Au terme du contrôle, les officiers nous expliqueront avec le plus grand serieux que leur intervention etait destinee a nous proteger des animaux sauvages du coin tels que les loups (jamais vu un seul en 6 mois de traversee de Turquie) mais aussi des scorpions ou des serpents (au mois de janvier bien entendu) ! Nous finirons par passer la nuit dans la petite mairie apres avoir satisfait la curiosite des villageois plusieurs heures plus tard.

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