Des montagnes au littoral de la mer Noire

les derniers kilometres en Turquie, avril-mai 2009 (Toutenmarchant)

Nous avons franchi la frontière turque le samedi 4 avril au matin, après un cours séjour a Batumi en Georgie, afin de terminer la traversée de ce pays entamée 6 mois plus tôt. Notre premier objectif était de trouver un acces internet gratuit et durable pour terminer les travaux que nous avions commences sur notre site internet a la bibliothèque de Batumi. Ce sera chose faite des le lundi suivant a Hoppa alors que nous nous rendîmes a la mairie pour demander un local. Le fils du maire fraîchement élu, et qui parlait français, fut immédiatement emballe par notre projet au point de nous offrir de séjourner quelques jours gratuitement dans un hôtel de la ville en nous prêtant de surcroît 2 ordinateurs portables. L'hôtel était un peu miteux et nos voisines d'étages, des prostituées géorgiennes officiant dans un bar nocturne de la ville, n'avaient pas l'air ravies de notre présence mais en ce qui nous concernait c'était le grand luxe. Il faut bien reconnaître que notre première nuit a Hoppa avant cela fut loin d'être de tout repos. Nous fumes tour a tour mis a la porte a minuit d'un salon de thé ou l'on nous avait initialement invite puis délogés d'un tunnel routier condamne, ou nous avions trouve refuge en sortie de ville, par les incontournables jandarmas vers 2h30 du matin. Les braves gendarmes nous avaient redeposes en centre-ville en nous indiquant un minuscule square couvert de tessons de bouteilles ! Nous n'allions trouver une opportunité de planter la tente qu'au terme d'une longue marche nocturne vers les hauteurs de la ville aux alentours de 5h du matin. Après cette semaine consacrée a travailler nous pouvions revenir la ou nous nous étions arrêtés quelques temps auparavant.

Ce retour nous allions mettre plus de 5 jours a l'effectuer en auto-stop, rendez-vous étant pris avec Batya, une amie d'Istanbul rencontrée grâce a Couchsurfing, le vendredi 16 a Yusufeli. Batya allait nous accompagner pendant une semaine pour marcher dans une région au patrimoine culturel dense, regorgant d'anciennes églises et de forteresses géorgiennes mais aussi dotée de sommets dépassant les 3000 m. En ce début avril il n'était pas question de grimper trop haut, l'enneigement était encore bien présent passe les 2000 m d'autant que notre invitée n'était pas aussi rodée que nous dans l'exercice en question. Dans un premier temps nous allions emprunter une vallée magnifique a l'ouest de Yusufeli a progresser tranquillement sur des pistes dans un cadre agréable jusqu'à ce que l'altitude complique notre progression, tout d'abord dans de la neige partiellement fondue avant d'aborder des névés très inclines. De ce fait nous allions rebrousser chemin en direction de Tekkale. Sur place, le sympathique gérant d'une pension touristique nous offrira de passer gratuitement la nuit sur des terrasses aménagées confortables et de disposer de sa cuisine. Une opportunité unique pour fêter l'anniversaire de Thierry et de se faire une bonne bouffe pour l'occasion. Pour la biture, les prix exorbitants des commerces pratiques pour l'alcool nous contraindrons a remettre ça le lendemain a l'occasion de notre retour a Yusufeli. Par la suite, nous nous dirigerons plein nord dans une vallée plus large ou les cols étaient nettement moins élevés. Nous goûterons a nouveau a l'hospitalité légendaire des villageois turcs, avec en prime une interprète a nos cotes. A ce propos, Batya nous volait souvent la vedette tellement les villageois étaient surpris de voir une fille turque voyager librement en compagnie d'étrangers. Sa notoriété était telle, qu'après son départ au terme de la semaine, des habitants des villages suivants nous demandaient ou était la fille d'Istanbul !
 
 De notre cote, il nous fallait encore rejoindre Artvin dans un premier temps tout en évitant les cols les plus élevés ou les risques d'avalanches étaient désormais importants. Pour ce faire nous allions suivre un itinéraire nord-est puis plein nord dans ce qui sera une succession de vallées séparées par des cols dont l'altitude ne dépassait pas les 2000m. Nous allions globalement nous épargner la pénible marche dans la neige fondue, a quelques exceptions près, mais les journées seront plutôt physiques avec beaucoup de dénivelés au programme. Nos efforts seront récompensés par de magnifiques paysages et l'hospitalité des villageois. Les derniers jours seront marquants a plus d'un titre: nous repassâmes brièvement dans la vallée de la Coruh nehri, déjà empruntée quelques jours plus tôt tandis que nous revenions sur Yusufeli. Cette vallée va disparaître sous les eaux dans 3 ans, lorsque le gigantesque barrage hydroélectrique d'Artvin sera achevé et mis en service. Les oliveraies et les vignes présentes sur les coteaux ne seront pas les seules victimes, beaucoup de villages, d'ores et déjà en grande partie désertés par leurs habitants, devraient être engloutis également. Les villageois sont pour la plupart fatalistes et résignés, tandis que les travaux en contre-haut ont lieu dans un ballet incessant de bennes et de bétonneuses pour bâtir la nouvelle route et les nouveaux villages. L'ascension plein nord du dernier col nous séparant d'Artvin nous gratifiera de 1600m de dénivelés sous un soleil de plomb pour la première fois depuis fort longtemps tandis que les insectes suceurs de sangs refaisaient leur apparition pour mon plus grand désarrois. La moindre pause torse-nu se soldait par plusieurs piqûres fort douloureuses d'escadrons de mouches voraces. Lors de notre passage a Artvin de jeunes étudiants en théologie forts sympathiques nous offriront l'hospitalité. Nous allions passer une très bonne soirée en leur compagnie même s'ils ne ménagèrent pas leurs efforts pour nous initier au culte musulman !

La suite de notre voyage se déroulera en trois étapes. La première nous verra rejoindre la ville de Borcka en 5 jours. Pour ce faire nous allions prendre de suite de l'altitude en grimpant le versant oppose de la vallée du Coruh Nehri, histoire de ne pas se limiter a déambuler sur la route bordant le lac artificiel précédant le barrage de Borcka. A nouveau de la marche sur piste a traverser de paisibles villages perches mais aussi la traversée mémorable d'un chantier colossal destine a détourner des cours d'eaux vers le futur barrage d'Artvin. Nous nous verrons contraints de remonter a l'aide d'une corde un important dénivelé dans un canal de déversement en chantier, le sentier que nous suivions étant littéralement coupé par l'édifice. Pour la peine on nous invitera a manger dans la cantine des ouvriers avant de reprendre la route dans un vacarme assourdissant de pelleteuses mécaniques et de convois de camions bennes pendant encore quelques kilomètres. Ensuite nous rejoindrons une vallée parallèle et boisée pour rejoindre la petite préfecture. A partir de Borcka, 2 options: soit suivre la route principale direction le littoral et longer la cote ou bien tracer au plus court en diagonale a travers les petites montagnes côtières. Bien entendu, nous choisirons la deuxième configuration. Les dénivelés n'étaient pas excessifs et de plus il y avait dans ce secteur frontalier beaucoup de villages et un assez important réseau de pistes. Pourtant, au terme de 3 jours de marche, nous allions être obliges de faire demi-tour grâce a nos amis les gendarmes ... il y a un tas de villages dans le coin mais manifestement l'accès nous y est interdit. Nous devrons nous contenter de suivre l'itinéraire routier comme de vulgaires voitures. A ce propos, il conviendra de remercier le "sympathique" élu local qui nous dénonça aux autorités devant notre refus tandis qu'il réclamait nos passeports depuis sa voiture. Pour l'anecdote, nous aurons droit a un ultime contrôle de passeports 2 jours plus tard, quand bien même nous évoluerons sur cette foutue route nationale vers la cote, marcher étant vraisemblablement une activité louche dans les parages ... il faudra quand même 2 voitures et près d'une heure aux gendarmes pour nous mettre la main dessus alors que nous coupions les lacets de la route dans la descente sur Hopa après le col. La suite n'a rien de passionnant, nous suivrons le littoral de Hopa vers Kemalpasha, avant de faire nos adieux a la Turquie au poste frontière de Sarpi le 11 mai. La Georgie nous tendait désormais les bras, nous n'allions pas être déçus

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