le finish vers la frontiere

mes derniers jours au Tadjikistan avant d'affronter le franchissement perilleux de la frontiere vers le Kirghizistan, Tadjikistan part 4 Dzirghatal → Karamyk 14/05 -> 22/05/2010

Passe Dzirghatal, la vallee devenait plus escarpee et les villages se faisaient de moins en moins frequents. Le relief aidant, le paysage denait un peu plus sauvage et agreable a arpenter, quoique encore tres pastoral car les chevres peuvent aller brouter n’importe ou, meme sur les pentes les plus raides. D’ailleurs, malgre mes efforts pour me planquer chaque soir, je finissais toujours par voir rappliquer un berger et ses betes, que ce soit le soit ou le matin. Quand bien meme il ne venaient pas me parler a tout les coups, ils restaient toujours a proximite immediate pour pouvoir me reluquer en toutes circonstances. Pour sur que j’etais plus interessant que leurs chevres mais ca devenait tres vite hyper chiant d’etre constament epie, notamment au petit matin quand venait l’envie de faire la grosse commission dans cette foutue vallee sans arbre. J’etais oblige de me lever avant l’aube a cause de ces casses couilles ! Deja qu’il etait difficile de faire ses courses dans le coin mais dorenavant il n’y avait presque plus de commerces du tout, et les rares que j'ai pu debusquer avaient encore moins de choix que les precedents ... c'est a dire rien de valable. Il me fallait tenir pres d'une dizaine de jours jusqu'au premier bled kirghize avec les quelques vivres que j'avais pu trouver a Dzirghatal. Bouffer du pain sec ou qui moisissait commencait a devenir une habitude, mais deormais c'etait une fois par jour seulement !

Ce fut durant cette semaine que je pu gouter a ma seule et unique hospitalite par des autochtones au Tadjikistan. En fait mon appareil photo numerique etait totalement decharge et je traversais un village un village ou vivait un des coordinateurs qui travaillait pour l’ONG de Janice. Il etait un peu plus de midi et normalement une bonne heure de charge me suffisait, je demandais donc a un gosse de m’indiquer sa barraque lors de mon arrivee a Oksoy. Sur place, le frere d’Abdumagid (celui ci etait en stage a Dushambe) m’accueillit cordialement et tenait a tout prix a ce que je passe la nuit chez eux. C’etait previsible mais j’ai presque aussitot regrette d’avoir accepte car la famille etait vraiment tres pauvre et j’avais le sentiment d’abuser dela situation surtout quand je les ai vu tuer une poule juste pour le repas en mon honneur. En tout cas le frangin, qui etait tres religieux et savait lire l’arabe, avait l’air tres heureux quand je lui ai refile le Coran miniature que je trimballais dans mon sac depuis l’Iran. Pour sur qu’il en fera meilleur usage que moi !

Les jours qui suivirent, il m’a fallu freiner encore mon allure: il me restait pas moins de 4 jours pour faire les derniers 30 km avant la frontiere ! Comme lors de mes derniers jours en Ouzbekistan, je passais le plus clair de mes journees a glander, sauf que je n’avais presque plus rien a bouffer ! En fait j’avais beaucoup de temps libre mais je n’etais pas completement serein car l’echeance du passage de la frontiere “interdite” approchait. Passera, passera pas ? En tout cas j’avais plus ou moins prepare le terrain en disant a qui voulait l’entendre que je voyageais a pieds et que j’entendais entrer au Kirghizistan par cete frontiere. Histoire que la rumeur se repende jusqu’au poste frontiere avant mon arrivee via les locaux qui transitaient regulierement par la. J’etais egalement decide a passer sans lacher le moindre bakchich non plus a qui que ce soit qui porte un uniforme. En effet depuis que je voyageais dans cette vallee, je n’avais vu que des gens tres pauvres et maigres tandis que les flics etaient toujours gras du bide et bien portants. Meme si je n’avait pas eu a en souffrir personnellement au Tadjikistan, j’en avais plein le cul de cette culture de la corruption et de l'impunité totale dont jouissait les guignols en uniforme. Ca prendra le temps que ca prendra mais je passerai sans filer une thune a ces enfoires !

Et ce fut long, tres long meme. Une journee marathon entiere consacree a franchir successivement les 2 postes frontieres mais sans lacher le moindre rond. En tout, plus de 2h cote tadjique puis plus de 6h cote kirghize avec 2h de marche dans le no man’s land entre les 2. Au poste frontiere tadjique ma strategie avait plus ou moins porte ses fruits car ils avaient deja entendu parler de moi et personne ne me fit d’allusion sur le fait que ce passage etait interdit aux etrangers. J’avais fait en sorte d’arriver le dernier jour de mon visa (qui coincidait avec le premier de mon visa kirghize) pour les placer devant le fait accompli. Passe les etapes des registrateurs et des douaniers fouilleurs de sac, lents au possible et qui demandent tous si j’ai du fric (quand on leur declare uniquement la CB et un peu de monnaie tadjique, on peut lire la deception sur leurs visages), j’arrivais a l’ultime cabanon au dela duquel s’etendait le no man’s land. C’est dans ce petit Algeco de merde que se trouvait le precieux tampon qui allait me permettre de quitter le pays. En fait ce fut la le moment cle de la journee car des lors que la sortie etait tamponnee sur mon visa tadjique la partie etait quasiment gagnee: je ne pouvais plus faire demi tour et les kirghizes etaient obliges de mefaire entrer dans leur pays. Ce fut quand meme tendu car le type me demanda d’entree la carte d’immigration (le papier qu’on vous file a l’entree du territoire et qui sert a l’enregistrement a l’OVIR) et me signala en froncant les sourcils qu’elle etait vierge. Car je ne m’etais pas enregistre cela va de soi. J’avais fait l’impasse sur l’enregistrement du 3eme ou du 29eme jour selon les versions, malgre mes 31 jours de visa et je jouais gros a ce moment. Depuis le temps que je passais des frontieres, je m’etais rendu compte que les officiers n’etaient pas bien doues en math et je lui signalait candidement et avec le sourire qu’on m’avait dit que l’enregistrement n’etait pas necessaire avec un visa touriste d’un mois. Le type a essaye plusieurs fois de joindre sa hierarchie au telephone avant de finalement les avoir. Ce petit cinema a bien dure 15 mn et je faisais tout mon possible pour avoir l’air detendu et sur de moi meme si c’etait loin d’etre le cas ! Manifestement il a du entendre la confirmation de ce que je lui ai dit car apres avoir raccroche il ouvrait son cahier de registration et me declarait “problem niet”. 5 mn plus tard, j’etais dans le no man’s land avec mon visa tamponne et le coeur leger. J’avais pratiquement gagne mon pari car mon entree au Kirghizistan n’etait plus qu’une question de temps, en tout cas certainement pas d’argent. Apres 12 bornes sur une piste totalement defoncee et sous une pluie battante, j’arrivais au niveau d’un petit bunker au pied d’une colline. Une nouvelle registration sur cahier aupres des bidasses de la frontiere puis a nouveau la petite question pour savoir si j’ai des euros ou des dollars. Non, juste une poignee de Somonis tadjiques et a nouveau la deception de mes interlocuteurs. J’avais le feu vert pour rejoindre le prefabrique de la police des frontieres 2 km plus loin. Arrive sur place, on me dit que je ne peux pas passer car ce n’est pas une frontiere internationnale, qu’il va falloir que je retourne d’ou je viens au Tadjikistan car les tadjiques avaient fait une connerie en me laissant passer. Je ne communiquais qu’en russe avec les officiers et je n’avais pas mentionne que je comprennais un peu le turc quand j’entendis clairement le commandant parler a ses subordonnes en kirghize (langue plus ou moins proche du turc) qu’il fallait que je paye pour passer, quelque chose comme 100$ je crois bien. En s’adressant a moi par contre il n’avait jamais mentionne a aucun moment cette particularite, juste qu’il n’avait pas le droit de me laisser passer et encore moins de tamponner mon visa sinon il aurait des problemes. Je protestais gentiment en disant que le consulat kirghize de Tashkent m’avait assure que je pouvais passer par la (ce qui etait en partie vrai mais le type n’avait pas l’air sur de lui) et que mon visa tadjique etait fini. Bien entendu c’etait toujours non. Les flics s’appretaient a passer a table au moment de mon arrivee et ils me proposerent de manger avec eux. C’etait tres bon et copieux, rien a voir avec la maigre pitance des villageois du coin. Je discutais pas mal avec eux en leur racontant mon voyage et quelques petites anecdotes (un des officiers, le plus jeune, comprenait partielement l’anglais) en n’oubliant pas de casser un peu de sucre sur le dos des ouzbeques (les kirghizes n’aiment pas les ouzbeques et c’etait largement le cas des flics de la frontiere) pour m’attirer un peu plus leur sympathie, avant de trinquer quelques tournees de vodka. Apres le repas, le chef partit en bagnole pour la petite ville la plus proche pour faire je ne sais quoi et on me dit de rester dans le petit refectoire du bungalow. Il attendaient toujours du fric de ma part manifestement. Dehors il tombait des cordes avec un vent pas possible alors forcement je ne m’etais pas fait prie pour rester pres du poele a regarder la tv russe !

Le temps s’ecoulait doucement jusqu’a ce que le chef revienne 3h plus tard avec un enorme bout de viande sous le bras. La non plus, rien ne se passa, il commenca a debiter sa barbaque tout en regardant un match de hockey sur glace a la tv. Je discutais avec lui de temps en temps comme si tout etait normal. A chaque fois qu’un type se pointait au poste avec son passeport, des routiers kirghizes ou tadjiks pour la plupart qui amenaient le materiel chinois vers le chantier de la route de la vallee de Rasht, il leur mentionnait que j’allais payer. Evidement je faisais mine de ne rien comprendre, de toutes facons j’etais totalement sur de mon coup: j’allais passer quoi qu’il arrive, et sans payer. Vers 18h, alors que je squattait le poste depuis plus de 5h, la pluie cessa de tomber et le ciel commencait a se degager. Je decidais de passer a l’action. Je me levais et declarais au commandant que j’allais pouvoir monter ma tente pres du poste frontiere pour y passer la nuit. Je lisais l’affolement sur son visage et il me declara apres reflexion qu’il fallait que je monte dans un des camions en partance vers la frontiere tadjique (les chauffeurs attendaient egalement la fin de la pluie pour s’engager sur la piste merdique). Je lui retorquais tout candide que les tadjiques avaient tamponne la sortie sur mon visa et qu’ils ne me laisseraient jamais entrer a nouveau, d’autant plus qu’il s’agissait de mon dernier jour. J’allais fatalement revenir le lendemain matin cote kirghize par defaut, puisque je n’avais que ce visa d’ouvrable. Grosse panique ! Je sentais qu’il prennait conscience que je lui avait baise la gueule et que du coup, c’etait lui qui allait devoir se demmerder. Une heure plus tard, apres une serie de coups de fils, l’affaire etait pliee. La hierarchie de l’immigration etait au courrant de mon cas et le poste frontiere d’Irkeshtam, par ou je devais sortir pour aller en Chine, etait prevenu de mon entree par Karamyk. Une petite registration de plus et un beau tampon d’entree sur mon visa kirghize apparaissait sur mon passeport dans la foulee. Bon perdant, le chef me proposait de diner avec eux apres que j’eu fini de monter ma tente pres du poste frontiere. Ce repas etait delicieux, avec en plus ce petit parfum de victoire !
Billet précédent :
les tribulations d'un pariah

Commentaires

Bonjour, je viens de lire vos peripeties pour passer la frontiere Kirhistan-Tadjikistan a hauteur de Karamyk,avec grand interet.
Nous allons partir pour la Mongolie via ouzbekistan, tadjikistan,kirghistan,kazakhstan au mois de Mai, pour une duree de 5 mois.
Nous avons en projet de passer la frontiere tadjikistan-kirghistan soit au meme endroit que vous par la A 372 a Karamyk, soit a hauteur de Kyzyl-art par la M41.Nous avons demande un permis GBAO.
Auriez vous des recommandations a nous faire en dehors de ce que vous avez deja ecrit sur votre site ? En vous remerciant et encore merci pour votre site qui est tres interessant.
Richard

Le jeudi 15 mars 2012 à 21:46 par sylvain

Re

En ce qui concerne le poste frontiere de Karamyk entre le Tadjikistan et le Kyrghizistan, y'a pas mal de chances pour qu'il soit devenu international a present et non plus reserve aux autochtones. au printemps 2010 les chinois refaisaient la route de part et d'autre de la frontiere jusqu'au col d'Irkestham (le poste frontiere entre la chine et le kyrghizistan) et d'apres les gens du coin ils devaient finir le boulot avant l'hivers 2010-2011. Pour en avoir le coeur net, faites des recherches sur google (en anglais ca marche mieux, genre "land border crossing point tajikistan kyrghizistan karamyk"), il y aura toujours des forums de voyageurs qui renseignent ce genre d'info.
toujours au sujet de la vallee de la kyzyl suu: si la route est en etat et que le poste frontiere est devenu international, y'a aussi des chances pour que le secteur soit devenu plus "touristique", en particulier au tadjikistan. autrement dit, les autochtones seront peut etre moins mefiants qu'auparavant et il y aura sans doute plus de commerces (enfin surtout plus d'epiceries et probablement avec plus de marchandise dans les rayons). pour les conseils, a vrai dire tout depend de votre mode de voyage (a pied, a velo, ou transports motorises): la duree de la traversee ne sera pas la meme forcement et les problemes rencontres seront differents egalement (selon la maniere dont on est percu par les locaux et surtout les flics entre autres).
enfin il ne faut pas psychoter non plus, ca devrait bien se passer en principe. faut juste se tenir pret au cas ou c'est tout !

bon voyage donc

Sylvain

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