les tribulations d'un pariah

ou mon experience de "moudjahidine" afghan, Tadjikistan part 3 Obigarm -> Dzirghatal 04/05 -> 14/05/2010

Redescendu dans la vallee principale, il me fallait la suivre pendant un peu moins de 50km avant de rejoindre celle de Rasht, derniere ligne droite vers le Kirghizistan. Rien de palpitant pendant cette premiere partie ou j’allais m’evertuer a marcher en contre haut de la route principale (enfin plutot la piste principale vu l’etat lamentable de cet axe majeur qui relie la capitale a tout l’est du pays). En tout cas j’aurais eu tout le loisir d’apprecier l’avancement des travaux de construction du fameux barrage de Rogun, le projet phare du president tadjike. A priori, cela semble une bonne idee: le pays ne possede que tres peu de ressources hormis un enorme potentiel hydraulique, et en ces temps de rechauffement climatique les projets de developpement d’energie renouvelable sont les bienvenus. La vallee est egalement un profond canyon et l’impact sur l’ecosysteme et les villages ne devrait pas etre trop consequent.

Le pays voisin, l’
ouzbekistan, qui connait de serieux deficits en eau voient ce projet d’un mauvais oeil par contre. En fait le gros point noir de ce chantier concerne son financement. Tout les citoyens tadjiks sont tenus d’acheter des actions pour financer le barrage et celles-ci sont bien entendu a un prix prohibitif pour une population qui ne gagne guere plus de 50$ par mois en moyenne. Les etudiants qui veullent passer un examen ou ceux qui desirent passer le permis de conduire doivent en acheter un certain nombre egalement. Le Tadjikistan avec le Kirghizistan sont de loin les pays les plus pauvres de l’ex union sovietique et des mic-macs financiers comme celui-la ont un impact important sur la vie des habitants. A mesure que je m’eloignais de la capitale j’ai pu me rendre compte de la pauvrete des tadjiks. Beaucoup de villageois habitent dans des taudis et ne conssoment essentielement que ce qu’ils produisent. Dans chaque famille il y a au moins un homme parti travailler en Russie ou au Kazakhstan. La principale consequence pour moi etait que la plupart des commerces etaient quasiment vides. Trouver du pain etait une vrai gageure car la plupart des gens le font eux-meme avec les sacs de farine offerts par les ONG d’aide alimentaire. Les montagnes envirronnantes etaient saturees de chevres, moutons et vaches mais pas le moindre produit laitier en vente dans les epiceries ni meme les quelques bazars que j’avais visite …

Autre detail, les villageois que je croisais me prennaient presque tout le temps pour un afghan ! Avec ma barbe de pres de 2 mois, je devais visiblement ressembler a un moudjaidin du nord de l’Afghanistan. Le fait que je me deplacais a pied et que j’etais aussi maigre que les locaux devait jouer en ma defaveur aussi je presume. En effet les gens du coin n’avaient pour ainsi dire jamais vu d’etrangers hormis les rares americains qui bossaient pour les ONG. Je ne presentais que peu de ressemblances avec ces yankees, rases de pres, grassouillets et ne se deplacant qu’en 4x4 Toyota ! Le fait qu’on m’assimilait a un afghan etait marrant au debut mais ca avait vite commence a devenir chiant: a 3 reprises au moins j’ai du me farcir des controles d’identite par le KGB local sur denonciation. C’etait presque comique car ces poulets ne comprenaient que l’alphabet cyrillique et n’arrivaient pas a lire mon passeport: a chaque fois il ouvraient mon passeport au milieu, pile sur mon visa iranien (ecris en alphabet arabe et avec une photo incluse) et croyant tomber sur la page d’identite ils me pointaient du doigt en me demandant: “Afghanistan ? Pakistan ?”. Certains villageois ne repondaient pas a mes salutations en me regardant comme une merde ou d’autres m’indiquaient le riviere boueuse quand je demandais ou trouver de l’eau potable. Ne pouvant pas me raser, j’ai tout de meme trouve la parade en portant mes lunettes de vue en permanence. Ce petit detail faisait toute la difference, j’avais perdu ma “nationnalite” afghane et les gens devenaient tout de suite plus avenant avec moi. Desormais on me prennait pour un geologue russe (ca se pronnonce de la meme maniere en russe et on me l’a demande une bonne douzaine de fois) qui bossait dans le coin !


Car il se trouve qu’au moment ou j’arpentais la valle de Rasht, il y avait des travaux en cours pour refaire integralement la route. Les travaux etaient realises par une entreprise chinoise, et j’ai du croiser plus d’un millier de chinois dans cette vallee. Aux chinois les tractopelles, les bulldozers et les marteaux piqueurs, aux tadjiks les pelles et les brouettes ! Soit dit en passant, les chinois etaient bien les seuls a ne pas me prendre pour un afghan avant que j’utilise mon “subterfuge”. En tout cas ca laisse a penser que le poste frontiere que je visais ne resterait plus tres longtemps reserve aux etrangers: les chinois ont tout interet a transiter par cette vallee plutot que de se farcir un fastidieux detour par le Pamir et ses hauts cols pour convoyer leurs marchandises ou les matieres premieres qu’ils importent. Lors de mon passage a Garm (ou Rasht), le chef lieu de tout le district j’avais eu la chance de rencontrer Janice et Roger, 2 americains qui travaillaient pour une ONG d’aide au développement dans le coin. J’allais passer une bonne soiree en leur compagnie et surtout obtenir une petite liste avec les coordonnees de responsables autochtones dans certains petits villages de mon trajet futur. Cela pouvait bien m’aider pour obtenir des conseils ou des facilites pour franchir cette frontiere interdite. Janice etait une sorte de VIP dans la vallee que tout le monde connaissait, en meme temps une femme qui dirigeait des hommes ce n’etait pas commun par ici. Dans cette region tres pauvre et encore marquee par la guerre civile qui a ravage le pays dans les annees 90, on pouvait regretter que les habitants se soient refugies dans leurs vielles valeurs traditionnelles: tandis que la femme etait l’egal de l’homme a l’epoque sovietique, elle etait desormais privee d’education scolaire et cantonnee aux taches menageres, et fuyaient la presence masculine en se cachant le visage … ca me rappelait la Turquie de l’est.

En ce qui concernait la marche, je continuais a un rythme de senateur a raison de 15km par jour en moyenne, histoire de ne pas arriver trop tot a la frontiere. La vallee de Garm etait plutot jolie mais bien trop pastorale a mon gout. Les seuls arbres que l’on pouvait trouver etaient dans les villages, tout le reste n’etait que paturages. J’ai pu faire quelques excursions sur les pentes surplombant la vallee et profiter de la vue mais elle souffrait de la comparaison avec celle de Romit et ses etendues sauvages. Au moins mon rythme de progression etat parfaitement adapte a la meteo capricieuse de ce mois de mai. C’est bien simple, il pleuvait tout les jours, le matin ou l’apres midi ou les 2 et quand une journee etait particulierement chaude, elle se ponctuait systematiquement par un orage. Cela dit, rien ne restait trempe tres longtemps car le soleil faisait son retour tres regulierement et cognait meme plutot fort. A en juger par le surpaturage, il ne devait plus beaucoup rester de champs de mines dans la vallee. A ce qu’on m’avait raconte, il semblerait qu’elles soient localisees dans certains passages en altitude. Je n’ai pas non plus eu bruit d’activite de types armes non plus, cette vallee etait tout ce qu’il y a de plus calme …

Article suivant :
le finish vers la frontiere
Billet précédent :
La formidable vallee de Romit

Commentaires

Il n'y a pour l'instant aucun commentaire pour ce billet.

Ajouter un commentaire
(obligatoire, ne sera pas publié sur le site)
(facultatif)