Ecrit le samedi 18 juillet 2009 à 22:31 par Sylvain.

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A travers le sud du Caucase

deuxieme partie de ma traversee en solitaire de la province d'Adjara vers Tbilisi, Georgie juillet 2009

Debut Juillet 2009, alors que nous avions quitte Batumi et repris la marche depuis presque une semaine, je decidais de continuer mon voyage en solo. Voici quelques morceaux choisis de mes recits de l'epoque tandis que je me dirigeais vers Tbilisi.

16/07/2009
(...) Cette journee doit etre la derniere pendant laquelle je marcherai sur du bitume. 30 km me separe d'Aspindza d'ou je suis sense partir vers les montagnes. Je fais une derniere razzia sur les cerisiers du coin, j'avale 1/2 pain et je suis parti. Le cadre est plutot agreable si l'on excepte la route: une vallee etroite et verdoyante encadre la riviere Mktavi, qui arrose Tbilisi plusieurs centaines de km plus loin avant de se jeter dans la mer Caspienne. Des types de la DDE locale travaillent a combler les nids de poule de la route et m'arretent toute les 5 mn pour me poser les memes questions (d'ou je viens, qu'est ce que je fais, pourquoi je marche ... etc). Certains me demandent des cigarettes mais tant que je ne suis pas pris en flagrant delit, je suis non fumeur. Il faut dire que la taxe de cloppes est un sport national ici, et pourtant la Georgie est le pays ou les cigarettes sont les moins cheres depuis que j'ai quitte la France (entre 0,5 et 1 euro le paquet). Un rouleau compresseur me suit pendant pres d'un quart d'heure a une centaine de metres derriere moi en faisant un vacarme du diable. Je fais une pause pour qu'il me double une bonne fois pour toute mais il entame un demi-tour presque a ma hauteur, bon debarras. Vers midi il fait une chaleur a crever et toujours pas de sources ni de fontaines sur le bords de route. Les nuages noirs commencent a s'ammonceler au dessus de moi comme desormais chaque jour mais bien tot quand meme. Vers 13h j'appercois le village de Rustavi a 1 km de la route sur la gauche.  J'en prends la direction instinctivement, mes 2 bouteilles d'eau etant pratiquement vides. A la 3eme maison je demande de la flotte tandis qu'il y a foule dans le jardin, sans doute une reunion familiale. Un type tout maigre et partielement edente d'une quarantaines d'annees vient a ma hauteur et me fait signe de m'installer, de me reposer et de manger les 2-3 trucs qui trainent sur la table du jardin. Le coup de bol ! J'ai droit aussi a 2 tournees de Tchatcha, la gnole maison qui arrache la tete mais tout va pour le mieux. Dans l'assemblee, une jeune fille de 16 ans (avec des seins enormes ;)) qui se prenomme Kathy, parle a peu pres anglais et me sert d'interprete. Du coup je leur explique mon voyage en leur montrant l'article de journal. Tout le monde est de suite enthousiaste et mon hote m'invite a rester manger pour le repas d'anniversaire d'une des gamines presentes. Ils sont tous de Tbilisi, a l'exception des grands-parents, Shaliko et Maria sa femme Ukrainienne, 2 septuagenaires en bonne sante et de plusieurs voisins. Le type qui m'a invite s'appelle Giorgi et il est venu avec son fils de 15 ans et sa fille de 13 ans. Katy m'explique qu'il etait marrie a une grecque mais que depuis qu'elle l'a quitte il est devenu un peu maboulle voire toxicomane aussi. Le repas commence et je me regale meme si mon regime a base de pain et de cerises de ces derniers jours a du retrecir un peu mon estomac. Les bouteilles de vin maison s'enchainent aussi a une vitesse prodigieuse. Une tradition georgienne, que dis-je, LA tradition georgienne par excellence, veut que quelqu'un se leve et fasse un Tamadane avant de trinquer avec l'assemblee et que chacun vide son verre d'un trait. En gros il s'agit de porter un toast en l'honneur de quelqu'un present dans l'assemblee, d'un ancetre decede, pour la nation, pour l'hummanite, les femmes, pour le chien de la voisine et que sais-je encore. Le probleme c'est que des qu'un Tamadane est fini, un autre invite se leve aussi sec pour enchainer avec le sien et ainsi de suite. Vous pouvez meme en faire autant que vous voulez, le grand-pere et son pote en sont a leur 2oeme chaque en moins de 2h ! A ce rythme la je commence a avoir un serieux coup de barre, et vers 18h j'accuse un peu le coup. Giorgi, mon voisin de table, me dit d'aller faire une sieste sur le canape de la maison mitoyenne et je ne me fais pas prier. Vers 20h, je me reveille avec une soif infernale et je sors pour boire de l'eau. A ce moment je croise Shaliko le grand-pere, completement defonce avec ses bottes en caoutcouc et un parapluie a moitie dechire. Il s'appercoit me ma presence et me fait signe en titubant d'aller retourner picoler avec les autres ! La, j'hesite a aller me recoucher quand Giorgi, apparement en meilleure forme, me voit a son tour et m'invite energiquement a rejoindre la tablee. J'arrive et je vois le pote du grand-pere, un petit vieux de plus de 70 balais quand meme, bien defonce lui aussi mais qui tire des lattes sur un joint avant de le faire tourner dans l'assemblee ! Et pour courroner le tout, une bouteille de 5 litres de vin a peine entammee trone sur le table. Bordel, je suis pas couche ! Il n'y a plus que des hommes desormais et les Tamadanes s'enchainent avec moins de vigueur que quelques heures auparavant. Heureusement, les gosses se mettent a boire eux aussi pour nous aider a finir cette maudite bouteille. D'autant qu'ils sifflent leurs verres comme si c'etait du jus de fruit. On me demande defaire des Tamadanes aussi, je les fait en francais en disant n'importe quoi, mais de maniere solanelle, et les verres se vident. Vers minuit, mission accomplie, la vinasse est terminee ! Et tout le monde part se coucher en titubant. Putain, j'ai mal au crane. Je me vautre sur le canape que l'on m'a alloue et je m'endors jusqu'au lendemain.

17/07
Ce matin je me reveille vers 8h et en plutot bonne forme malgre la picole de la veille. Seuls les grands-parents et un jeune qui ne buvait pas hier sont debouts. Je dejeune avec le grand pere une sorte de potage tandis qu'il insiste pour que l'on boive du vin ... j'accepte 2 verres pas un de plus et je me prepare pour partir. Peu avant mon depart, Giorgi se leve juste a temps pour les adieux. Me revoila sur la route bitumee qui mene a Aspindza. 15 km plus tard, j'arrive a destination et fin pres a gagner les montagnes du caucase sud. J'achete du pain et des cloppes. et tandis que je commence a remplir mon sac sur un banc a l'ombre, 2 camionettes  de chauffeurs-livreurs s'arretent a ma hauteur pour une pause casse-croute. Alors que je m'apprete a repartir, ils me retiennent et me proposent de partager leur repas: pain, fromage, tomates et creme fraiche. J'ai meme le droit de recuperer les restes (1 pain et un gros morceau de fromage), tu parles d'une aubaine ! Je me dirige ensuite sur une piste en terre direction le nord-est vers le village d'Ota. 10 km de petite cote sans grandes difficultes mais quand vient le moment de quitter le village je me trouve devant un carrefour sans la moindre indication. Je demande a un vieux paysan, mais il m'envoie chier. Au second essai j'ai plus de chance mais le gars est super bavard et je ne comprend pas tout. Les seuls trucs que je pige sont: la bonne piste pour quitter le village, ca va grimper plutot pas mal, a un moment je vais croiser une source et enfin au col il y aurait des eleveurs et leur campement. J'entame mon ascension sur une piste correcte mais qui devient rapidement envahie par la vegetation passe 2 km. Bien entendu je me trouve confronte a nouveau a de multiples carrefours mais je decide de suivre systematiquement la direction sur laquelle je trouve des empreintes de fer a cheval dans la boue. La piste boueuse se transforme en chemin broussailleux mais pour l'instant ma boussole indique toujours le nord-est donc tout va bien. Le ciel, une fois n'est pas coutume, se couvre dans le courant de l'apres-midi et des craquements lointains se rapprochent au fur et a mesure. Vers 18h je trouve la source mentionnee par le type d'Ota et j'appercois tout pres une vielle forteresse ruinee contre laquelle a ete construit une sorte de refuge en bois. Parfait, j'y passerait la nuit et j'echapperai a l'orage par la meme occasion. A l'interieur je me rend compte que la toiture n'est pas des plus etanche mais j'ai suffisament d'espace pour monter la tente. Finalement, le vent soufflera tres fortement mais l'orage ne passera que sur les cretes avoisinantes ce soir la. (...)
18/07
Je quitte mon refuge vers 8h mais je ne decolle pas avant 10h, le temps de prendre une douche et de faire un peu de lessive a la fontaine. La montee est toujours aussi ardue mais la foret procure de l'ombre salvatrice. 2h plus tard, j'atteins enfin le village d'eleveurs tout pres du col. Finalement j'avais bien fait de suivre les empreintes de chevaux depuis la veille. La foret laisse la place aux paturages d'altitude et il est desormais plus simple de deviner le chemin. En redescendant du col, le chemin redevient vite une piste en bonne et due forme alors que j'appercois la grande vallee boisee qui se profile devant mes yeux. La piste est regulierement entravee de barrieres en bois et de clotures barbelees a mesure que je m'approche du village de Tsikhisjvari mais il est neanmoins facile de les enjamber. Arrive au village, je franchis un dernier barbele avant d'appercevoir une pancarte qui delimite une zone militaire pose dessus, tout s'explique. Je n'ai pourtant croise personne ni observe quelque infrastructure que ce soit pendant la descente. Je n'imagine meme pas faire le meme exercice en Turquie ... j'aurai droit a une interpelation musclee et armee d'une patrouille flippee, vous pouvez en etre sur ! Je traverse le bled, qui ressemble a un village de vacance epoque sovietique avec des barraques qui se ressemblent toutes sans oublier cette touche decrepie typique. Les jeunes du coin semblent tous partager la meme passion: tourner en rond dans le village avec des vielles mobylettes ou des motos sans age. Je prend de l'eau et je file direction Bakuriani sur une piste forrestiere. J'en profite pour faire une pause casse-croute et finir le pain-fromage offert la veille a Aspindza. 2h plus tard, j'arrive a Bakuriani et j'ai l'impression d'etre revenu dans les Alpes francaises. Des remontes-pentes sur les flancs des montagnes avoisinantes et des complexes hoteliers partout. C'est bien laid. Un detail tout de meme: toutes les habitations sont raccordees au reseau de gaz de ville par des canalisations aeriennes. Le long de l'axe principal un conduit jaune serpente en hauteur en formant des arches devant chaque entree de garage. Ca n'arrange pas l'impression de mochete de cette ville-station. Puis vient les difficultes. Sur ma carte de Georgie je n'ai aucune indication mais Francois, le cycliste belge rencontre apres Khulo, m'avait confirme l'existence d'une piste reliant Bakuriani au village de Khando de l'autre cote des montagnes. Malheureusement a chaque fois que je demande a des types du coin, tout le monde me dit de suivre la route principale qui fait un grand detour de 200 km par le sud ... les georgiens et leurs foutues bagnoles. Il faut que je trouve un berger ou un petit vieux qui pourraient d'avantage me renseigner mais comme a son habitude le ciel tourne au vilain. Et puis j'en ai plein les pattes aussi. Je vais donc consacrer l'heure qui vient a m'eloigner du village par une piste de bucherons et a trouver un emplacement correct pour la tente. Ce sera chose faite dans une charmante clairiere abandonnee sur les hauteurs de Bakuriani. Comme la veille, pas d'orage non plus ce soir la, quelques gouttes tout au plus.

19/07
Ce matin, alors que je redecends sur Bakuriani, decide a tenter ma chance plus au nord, un type arrete sa bagnole a ma hauteur et m'adresse la parole dans un anglais quasi-parfait. Il s'appelle Kaha et vit la plupart du temps a Chicago aux Etats-unis. Il m'invite a aller prendre le petit-dejeuner chez son pere qui tient une sorte de chambre d'hote. Arrive sur place, il me fait visiter le musee personnel de son paternel, un ancien multiple champion de saut a ski de l'epoque sovietique, une immense piece dont les murs sont recouverts de medailles et autres trophes ainsi que plusieurs photos de podiums. Impressionnant. La soeur de Kaha, enceinte de 7 mois, parle aussi anglais mais surtout allemand car  elle est marriee a un suisse. Tout ce petit monde m'invite a manger plusieurs assietes d'un met a  base de pates et de creme fraiche. Ideal pour la marche. De plus, le champion connait les montagnes environnantes comme sa poche et me donne de precieuses indications pour rejoindre Tsalka sans se perdre. Avant de partir, on me fait meme cadeau d'un pain, d'un sachet de saucisses, de plusieurs peches et d'un enorme morceau de fromage qui pue. Voila une journee qui commence bien ! C'est donc le ventre plein et le sac alourdi que je me lance dans l'ascension du col a 2500m, premiere etape de ma traversee du massif. L'ascension est longue et en plein cagnard mais les lacets sont reguliers et de toute facon, avec le gueuleton que je viens de m'envoyer je suis plein d'energie. Arrive au col, des militaires en faction controlent mon passeport. Le col est un point de passage d'un oleoduc important et hyper strategique pour la region, d'ou la presence de l'armee. Le controle dure 2 mn puis je m'engage sur la piste direction le lac de Tabaskuri. Une descente pas trop violente mais tout en longueur la aussi a travers d'immenses paturages d'altitude. Tout au long de ces 3h de descente, le ciel se couvre une fois encore mais la ca semble serieux: ca devrait peter pour de bon ce soir. Une fois rendu au lac, je fais le plein d'eau a la source du charmant village du meme nom. Je me met immediatement a la recherche d'un abri pour la nuit alors qu'il n'est que 18h. Dans le village ca ne va pas etre facile de negocier gratuitement un local, il y a plusieures pensions et guest-houses dans les environs. J'appercois au loin des vieux batiments abandonnes qui pourraient tres bien faire l'affaire pour ce soir. Le premier n'a pas de toit et de plus un petit vieux coupe de l'herbe a la faux a proximite. Le second est plus prometteur avec un plafond haut et des murs epais. Mais il a 2 defauts: le sol est jonche d'eclats de verre, ce qui est un veritable probleme quand on a un matelas pneumatique, et il est situe a 100 m d'un poste de controle de l'oleoduc qui passe egalement dans le secteur. Qu'importe, personne ne m'a vu entrer et il fait suffisamment jour pour que je prenne le temps de degager et d'examiner un emplacement pour ma tente. En moins d'une heure l'affaire etait reglee, la tente placee a l'angle de 2 murs et lestee solidement avec des pierres. Je mange un morceau, goutant le fromage que l'on m'a donne ce matin. Il est excellent, comme quoi plus un fromage pue, meilleur est le gout ! Comme chez nous quoi. Vers 20h l'orage se dechaine, mais comme prevu je suis tranquille dans mon entrepot. (...)
Billet précédent :
Premiers jours en solo

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