Ecrit le vendredi 21 janvier 2011 à 14:08 par Sylvain.

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la longue marche vers la Chine

ou comment on arrive a pieds par la Chine (il fallait que je la fasse ...), Kirghizistan part 2 Sary Tash → Irkeshtam 29/05->03/06/2010

Arrive a l'entree de Sary Tash en mi journee, je m'etais donne une petite heure de reflexion pour choisir ce que j'allais faire de mon temps de sejour kirghize. J'avais le choix entre partir vers le nord ouest direction Osh pour decouvrir le Kirghizistan central, quitte a revenir en bus par la suite a Sary Tash, ou aller directement au col d'Irkeshtam vers la Chine a un peu moins de 80km de la. D'un cote j'etais tente de profiter encore un peu de mon visa pour connaitre d'avantage le pays mais de l'autre je devais considerer qu'il y avait un gigantesque desert a traverser, le Taklamakan, par la suite et que plus je tardais et plus l'ete approchait. Le Kirghizistan avait mauvaise presse a l'epoque a cause de la sanglante revolution qui avait eu lieu a peine 1 mois et demi plus tot mais paradoxalement je n'etais pas harcele par les flics et n'etait plus oblige de frauder de reglementations contraignantes comme dans les pays precedents. J'optais finalement pour le depart vers Irkeshtam, la raison l'emportait. J'avoue que j'etais seduit egalement par la perspective d'entrer en Chine et de franchir un nouveau palier comme ce fut le cas en d'autres temps en traversant le Bosphore a Istanbul. Je faisais donc le plein de bouffe avant de me lancer dans l'ascension du col frontiere. Depuis que j'avais quitte le Tadjikistan j'avais pu retrouver de nouveaux certains aliments dans les commerces, meme si le choix demeurait encore limite. Pendant pres de 2 semaines je me suis nourris de pain, e poisson en boite et de fruits secs (figues ou abricots vendus au detail), mais aussi des legumes quand j'avais l'opportunite d'en trouver. Que des trucs bien lourds a trimballer dans le sac en somme !

A Sary Tash, la plaque tournante des voyageurs en partance ou en provenance du Tadjikistan, de la Chine ou du Kirghizistan central, j'avais eu droit a l'hysterie collective de tout les gosses du bled qui s'époumonaient a hurler «Tourist! Tourist!» en me voyant passer. Meme les adultes qui se parlaient entre eux disaient a voix intelligible «Tourist! Tourist!» en me designant (pourquoi 2 fois d'ailleurs ? j'aimerai bien le savoir !) avant de m'aborder de suite pour l'eternel «Atkouda» et le flot habituel de questions récurrentes. Si chez les momes mon intrusion revellait l'excitation et la curiosite, chez les adultes le ton trahissait d'avantage des reflexions du genre: «tiens, v'la encore un de ces blaireaux de touristes» … ca faisait toujours plaisir. De guerre lasse, a force de me faire harceler par les memes interrogatoires, j'etais passe a l'humour dans mes reponses. Mais a chaque fois mes vannes tombaient a plat car les kirghizes prennaient tout au premier degre: par exemple je repondais a l'«Atkouda» par «Tourist-tourist-stan» (le pays des touristes x2) ou quand la meme personne me demandait pour la 2eme ou la 3eme fois consecutive si je voyageais a velo, quand bien meme je lui expliquais que je me deplacais qu’a pied, je lui disais que oui, finalement j’etais cycliste et de designer mon baton de marche comme ma bicyclette … mais manifestement je n’etais pas pres de faire carriere comme comique au Kirghizistan car a chaque fois les types me regardaient d’un air perdu ! Il faut bien dire que depuis le Tadjikistan, je commencais a me debrouiller pas trop mal en russe (en faisant des phrases courtes et sans conjuger les verbes cela dit) mais je n’avais que finalement peu d’opportunites de m’en servir au Kirghizistan. Ici comme au Tadjikistan d’ailleurs, absolument tout le monde parle russe, y compris les jeunes enfants (alors que ce n’etait pas toujours le cas en Ouzbekistan). Un alphabet commun et sans doute la volonte de faciliter la communication entre les differents ethnies qui composaient le pays expliquait sans doute cette generalite. Ajoutez a cela que beaucoup de citoyens du pays avaient travaille en Russie ou etaient bientot amenes a le faire et cela prennait encore plus de sens. Meme certains journaux televises des chaines nationales etaient en langue russe !

Je partais donc tranquillement vers le col d’Irkeshtam, sans trop forcer mais ni trop trainer non plus car la frontiere fermait le week end, soit 5 jours plus tard en ce qui me concernait. Au moins je beneficiais d’une meteo clemente pendant ces jours la, et le vent etait meme plutot calme en comparaison des jours precedents. Je finissais de remonter le cours de la Kyzyl Suu qui me tenait compagnie depuis pres d’un mois pour attaquer l’ascension a proprement parler. Par contre, fini la tranquillite: la frontiere d’Irkeshtam etait le passage majeur pour les echanges commerciaux entre la Chine et ses voisins et le trafic des camions et semi remorques etait infernal malgre l’etat de la route. La aussi, comme tout au long de l’axe Irkeshtam-Dushambe, les chinois etaient a l’ouvrage pour refaire la route de A a Z. Sur la montee d’Irkeshtam ils en etaient encore au stade du gros oeuvre, a empiler des couches de pierre et de terre pour construire l’assise et le ballet des pelleteuses s’ajoutait au trafic routier. J’optais dans un premier temps pour marcher un bon km a l’ecart de cet enfer dans les paturages avant de prendre l’“ancienne” route tandis que la nouvelle partait plus loin sur la droite.

Il restait dans le passage le plus eleve, apres 3500m d’altitude, encore pas mal de neige et des coulées de boue avaient envahi certains lacets mais cela restait toutefois tres pratiquable et bien plus tranquille que le nouvel axe. J’etais surpris aussi par l’aisance avec laquelle j’evoluais dans ces hautes altitudes meme si la pente n’etait pas vraiment raide. Il faut dire que ca faisait deja plus de 2 semaines que je sejournais a plus de 2500m d’altitude et que mon organisme s’etait deja bien adapte. Pour ma derniere nuit au Kirghizistan, planque pres des barbeles de la frontiere entre Nuria et Irkeshtam, j’allais essuyer une veritable tempete avec de violentes bourrasques de vent. J’avais eu toute les peines du monde a dresser ma tente puis a faire en sorte qu’elle ne se disloque pas par la suite ! Tout les materiaux du coin avaient ete mis a contribution pour ce faire, grosses pierres, bout de bois ou de ferraille et meme fil de fer. Je n’avais pas connu un tel deferlement depuis le memorable orage d’Akhaltsikhe en Georgie pres d’un an plus tot. Le lendemain matin, alors que je pointais au poste frontiere kirghize, je retrouvais Benj et Caro, les cyclistes francais qui evoluaient en tandem. J’avais passe pres de 5 jours en leur compagnie a Tashkent en Ouzbekistan et nous avions entrepris les demarches pour le visa chinois ensemble. Par la plus grande des coincidences nous entrions egalement en Chine le meme jour. Le monde est petit !

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la grande vallee paisible

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